3 Musées… ouverts
au-delà des limites du possible ?

Un projet de loi de Finances 2015 au Conseil des ministres (mercredi 1er octobre) par Michel Sapin, et voici que  la Ministre de la culture, de la communication et du numérique, Fleur Pellerin, annonce l’ouverture des trois plus grands musées de France « 7jours/7 ». Mesure qui « n’entrera en vigueur qu’après des négociations avec les salariés », précise-t-on.  Or, comme un premier ballon d’essai (fin juillet 2014), l’avènement détonnant avait déjà été ébruité par la précédente ministre, Aurélie Filippetti.

Certes, par mission élémentaire du Ministère, la rue de Valois se soucie « d’améliorer l’accueil du public et de renforcer l’accessibilité des œuvres », mais aussi, de mieux gérer les capacités économiques des trois grandes machines du patrimoine français. Car des ‘impératifs’ comptables ont déjà largement escamoté les subventions de l’Etat ces dernières années  – au nom de leur statut d’établissements publics à caractère administratif (EPA) qui leur confère une certaine autonomie financière. Par exemple, en 2013, le musée d’Orsay  s’est autofinancé à hauteur de 35,71M€ ; les subventions de fonctionnement reçus étant de 28M€. Or, selon le projet, les 52 jours d’ouverture supplémentaire émargeront aux budgets des recettes propres des établissements…

Par là même, à l’annonce de ces futurs 362 jours d’ouverture par an pour :  Le Louvre, Versailles,  et Orsay, tous les médias se sont appuyés sur des chiffres record d’entrée ;  proclamation d’une reconquête des hauts lieux patrimoniaux, principalement par le tourisme, respectivement à :  9,2 millions, 7 millions et 3,5 millions de visiteurs en 2013. Données chiffrées générales… – et vraie expression  d’un quantitatif !

Socle d’un certain succès officiel au musée ?  L’inéluctable de la ‘société du spectacle’ fut mise en place  (besoin démocratique dans la ligne de François Mitterrand ?) ;  en fait, spectacularisation qui s’est renforcée selon l’idée a priori pertinente de Jacques Sallois, Directeur des musées de France sous Jacques Lang (de 1990 à 1994), « d’un gisement culturel à exploiter » !

 

Tout jeune peintre et dessinateur, étudiant devant les œuvres, j’ai vécu de l’intérieur, avec espoir, naïvement même, l’époque de la construction de la Pyramide du Louvre…

Chacun constatait le phénomène des files d’attente de la cour Napoléon qui se répercutaient parfois jusque dans les salles d’exposition du Louvre.

C’est alors que les fonctionnaires d’autorité de l’administration se soucièrent de la ‘fluidité du trafic’ comme étant l’élément prioritaire au musée. Les regardeurs, les contemplateurs ou les copistes ‘stationnant’ dans les salles furent alors considérés tels des perturbateurs dans les flux nouveaux, voire même  – en éléments dangereux pour la sauvegarde des œuvres !…

Mais, avec un peu plus de mise en perspective sur l’histoire… ou de reconnaissance… n’étions-nous plus ou pas, au musée du Louvre, au domaine superbe  du qualitatif ?

 

Description : Macintosh HD:Users:etiennetrouvers:Desktop:PA093048.jpg

Regard sur le pavillon Richelieu, ancienne entrée du Ministère des Finances ‘avant’ la Pyramide du musée du Louvre

Admettons que la remise en cause du traditionnel jour de fermeture dans les trois plus grands établissements du patrimoine français s’inscrive dans la volonté actuelle d’une meilleure articulation temporelle entre quantitatif et qualitatif ;  mais à présent, question subsidiaire :  à quelle fin véritable ce projet de réforme ? Temps d’ouverture par pensée comptable, loisir, ou mission ?

« Rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité… » est l’essentiel ;  et l’une des vocations encore principales d’un Ministère de la Culture !

Or voici que le ‘diamant de lumière’ de la pyramide de Pei, voulue avec opiniâtreté par un Président socialiste, fait figure de petite carte postale lorsque les files d’attente de la gratuité des premiers dimanches du mois, par exemple, stagnent  – comme un boa processionnaire –  de St Germain L’Auxerrois… à La Joconde…

 

Sur de tels records de fréquentation, comment ne pas s’interroger autrement qu’en terme de fluidité du trafic… donc aussi selon tous les  ‘etc.’ (approche plus complexe) ?  Donc, en termes de plus  large,  plus  long et plus haut des diverses sécurités ;  c’est-à-dire selon l’impératif de la bonne transmission d’un patrimoine artistique (qui est résistance fragile à l’usure du monde).  D’abord par précaution pour les œuvres ;  ensuite pour les qualités du bien-être sensible :

l’Art et son écrin de conservation (lieu d’éveil par résonance) qui requière plus que les lois du marché et de la consommation :  respect, courtoisie et civilité, temps de partage  – principes même des nécessités du gardiennage…

Pour un bon usage des choses et des êtres, toute civilisation ou culture humaine se doit, vis-à-vis de l’Art, à une approche respectueuse de la rareté dont il est par nature constitutif.

J’affirme que les besoins d’accessibilité actuelle sont déjà louches…  (Ce sera le développement d’un prochain billet du blog.)

Il faut « désengorger » dit-on !  Vous voyez bien que ça se fait à l’étranger !

Or, quoiqu’il en soit, démocratiquement ou pas, pourquoi ouvrir au delà des possibles ;  ne serait-ce pas « tuer la poule aux œufs d’or » ?

Peut-être parle-t-on d’ouvertures supplémentaires dans une logique de Marché ? Comme si la temporalité particulière de la transmission des affaires culturelles se devait à nos pratiques touristiques…

Observons donc avec quelle ‘innocence’ les fameuses ruées vers l’art  ont été martelées au musée (!)

à suivre…