Enjeux contemporains à Versailles
Culture !… Et vous dites projet de loi : Liberté de création, architecture, et patrimoine comme si la liberté citoyenne était périlleuse en France pour les esprits les plus libres qui soient… les artistes. Nécessité politique « dans la France de l’après-Charlie » paraît-il ?
Mais attention, en fait, c’est peut-être aussi refonder, par une nouvelle loi française « simplifiée », le domaine par nature complexe de la visibilité… Puisque, en d’autres termes, les critères de la ‘covisibilité’ seraient maintenant à dépasser en architecture et en patrimoine… – car couverts par un concept générique du classement UNESCO !
– Quid du sens critique citoyen ? Des associations de protection patrimoniale de quartier ? Et des savoirs vécus, expérimentés, rompus à l’empirisme des métiers s’occupant finement d’esthétique, d’harmonie, de symbiose, d’unité dans la diversité selon une optique née des arts-visuels du Beau… car ils mèneraient à de longs recours (inutiles) devant les tribunaux !
– L’idée est assurément merveilleuse pour les cabinets d’urbanisme libéral à fort rendement économique : « Les projets créatifs et porteurs de solutions architecturales innovantes en appui des politiques du logement ou de la transition écologique bénéficieront d’une souplesse par rapport aux règles d’urbanisme ».
– Sans procès d’intention, reste à bien voir, si... !
Exemple de conflit – prémonitoire ? – ou de questions vives d’actualité… c’est par honnêteté intellectuelle que je suis allé in situ voir au Parc du château de Versailles, ce qu’il en est du fameux événement contemporain présent.
Plus séduisant que ça, c’était impossible et inédit en tel lieu !... N’est-ce alors « qu’une sournoise et lucrative opération de spéculation financière » ? Voire un exemple particulièrement intéressant de conflit ‘ironique’ sur fond caricatural de ‘covisibilité’ patrimoniale ?
En l’occurrence, c’est l’histoire d’un copieux ‘tag traditionaliste’ (au pinceau blanc). D’un genre connu pour enlaidir, par exemple, les voies touristiques d’autoroute… Autrefois, d’ailleurs, les autorités citadines n’ornaient-elles pas les ‘vides’ à coup de pochoirs officiels, conçus pour leurs espaces muraux patrimoniaux ? Or, chère Madame la Ministre, les « DEFENSE D’AFFICHER, SOUS PEINE D’AMMENDE » de l’ordre public n’ont jamais empêché la nécessité au devoir libertaire d’y ajouter une artistique (mais gratuite) formule : « IL EST INTERDIT D’INTERDIR !! ».
Et, à la vérité, comment ne pas être séduit par certaines des pièces d’Anish Kapoor ? Tout particulièrement bien conçus, ces immenses miroirs réalisés par un mécénat industriel pour des « selfies à dix millions » ; mais aussi quelle réalisation techniquement parfaite pour l’aliénation enthousiaste de la consommation touristique – alors qu’aucune goutte de pluie ne s’y fixe…
Assurément, sur Dirty Corner, pièce qui a déjà été exposée à Milan (en 2011) et renommée en périphrase, le « vagin de la reine qui prend le pouvoir » depuis le papier du JDD (le 30 mai 2015), que de reprises et conférences de presse pour que suintent quelques folies révélatrices d’un intégrisme apocalyptique. Au fond, peut-être ici une violence contemporaine (où chacun s’y retrouve !…) ? C’est une chose et son contraire, des affirmations initialement diverses de provocateurs, opposés ou bizarres ; elles sont ainsi fortes pour l’imaginaire, pleines de contradictions, circonstanciées – et assurément caricaturées sommairement « à se demander sur quelle planète on vit »(sic). Mais, comme naturellement : pour faire peur, faire causer, faire polémiquer – ou faire rejuger !... « C’est une provocation », dit Kapoor (initialement au JDD, en mai). Et les responsables politiques et les officiels de légitimer alors une sécurité à tout va (avec gardiens, médiation pédagogique, militaires de jour et maître-chien de nuit...). Des actes violents (dégradants, complexes ou infamants !). Mais qui, au moins, peinturlurent !… Somme toute, de la feuille d’or mode pour tout le monde ; c'est-à-dire, un dispositif émotionnel réactif pour chambres d’écho. Idéal, n’est-ce pas ?
– Ah, si la part secrète des ‘installations’ à… Versailles m’était contée !
– D’abord, ‘petite histoire’ sans autres paroles qu’un reportage visuel :
un diaporama de 21 images (en date du 15 sept. 2015), à découvrir en cliquant sur le visuel ci-dessus
– Ensuite, cela étant, s’agit-il ici « d’enterrement de la Culture ; de la Culture en France », si l’on en croit A. Kapoor (5 :01) sur France-Culture ?
Mais force serait plutôt d’apprécier aussi les propos d’André Comte-Sponville (6 :33) : « Pour ce qui est de graffiti antisémites, c’est évidemment ignoble, condamnable, cela va de soit !... J’avoue que l’œuvre, pour ce que j’en ai vu, m’a laissé un peu perplexe ; ça ne m’a pas paru un sommet de l’Art. Je crois que le nom (sobriquet) de l’œuvre, sauf erreur, c’est le ‘vagin de la reine’ ? Pourquoi pas la ‘Bite du roi’ bientôt ? Je crois qu’(une part) de l’art contemporain a tendance à s’enfermer dans le dérisoire. Alors… ce n’est pas une raison pour saccager une œuvre qui fait partie de l’espace public ! – Mais que l’on ne me demande pas de prendre au sérieux des œuvres qui me paraissent faites plutôt pour la provocation que pour l’émotion… Moi, au fond, je pense que l’Art, dans ses sommets, est une chose tout à fait essentielle, et que la dérision est plutôt un contresens. » - L’invité des matins - reçu par Guillaume Emer, le 11 septembre 2015.
– Alors, provocation « selon l’expérience des limites » d’un authentique martyr, paraît-il mal payé, mal gardé par la France ? Cet acte de vandalisme et la nature des inscriptions ont suscité de vives réactions politiques :
Le président François Hollande « dénonce fermement » la dégradation de l'œuvre qui a été « couverte d'inscriptions haineuses et antisémites », a indiqué l'Elysée dans un communiqué. Le Premier ministre Manuel Valls a réagi via Twitter: « Ecœurement devant cette alliance de l'infâme et de la réaction. Les dégradations antisémites sur l'œuvre de Kapoor seront punies sévèrement », a-t-il promis. La ministre de la Culture Fleur Pellerin s'est rendue sur place pour constater les dégâts. « Ce n'est ni plus ni moins qu'un acte qui laisse transparaître une vision fasciste de la culture », a-t-elle déclaré.
Mais tout de même, voici encore le vieux principe duchampien du maximum d’effet médiatique possible avec un minimum de vécu artisanal du Beau ; un enjeu fort, bien concouru, de la thermodynamique moderne par le plasticien qui se taille, ici, une sacrée pièce de théâtre !
Or, alors que les esprits les plus lucides de notre temps relèvent que nous sommes ‘en crise profonde de la modernité’, il faudra bien réaliser un jour que ce type d’installations contemporaines tient, souvent, du ridicule au domaine de l’Art, voire peut-être d’un tout autre non-sens esthétique : d’où l'aveuglement à coup d’installations ‘nécessaires’ pour, en des lieux de références, désensibiliser ou crétiniser certaines résistances humaines ?
« En détruisant le passé, impossible de comprendre le présent. Il ne faut pas fuir ses responsabilités » (sic). Aux pieds même d’une des fameuses copies de la Vénus pudique, type Vénus Médicis, d’ailleurs d’une blancheur livide assez suspecte au jardin… Malgré le vrombissement des engins de gardiennage, convoqués pour l’artiste plasticien invité, regardez un peu ! C’est le bonheur vrai et spontané au cœur d’un des répertoires de formes sculptées de la Beauté :
Allée du Tapis vert à Versailles (avant le ‘tourbillon’ d’Anish Kapoor), un enfant dessinant ici son ombre d’existence… – Ah, nécessité d’un doigt précis sur le sable !
Projet de loi Culture JDD, 31 mai 2015 - A.Kapoor L’invité du matin - France Culture