La Nature tient, en ville, du décor éloigné… Pourtant, l’évocation rituelle d’une attention au végétal nous retient, tel un calendrier.
Nature/Culture ? Certaines Cultures, dont la persane, font commencer l’année le jour du printemps avec l’éclosion florale des arbres fruitiers et selon le calendrier solaire, au moment de l’équinoxe (moment d’égalité entre jour et nuit). Avant le calendrier grégorien unifiant les fêtes en nos climats, certaines régions françaises fêtaient le nouvel an, le 25 mars, jour de l’Annonciation – période de l’éveil des insectes pollinisateurs ! D’autres Cultures le fêtait le jour de Pâques qui est fixé à partir du calendrier lunaire, soit le dimanche après la première pleine lune suivant l’équinoxe de printemps (entre le 22 mars et le 28 avril).
Moments forts des successions printanières : jaune-vert, jonquilles ; forsythia et premières feuilles du marronnier (cf. billets du 19 mars et 9 avril 2012) ; puis violettes et pervenches ; coloris rose et vert du Sakura et des arbres fruitiers blanc et rose ; vert-blanc-vert pour Pâques et les pâquerettes… ; teintes vertes et multicolores, fortes de tulipes, glycines et pissenlits ; pleine verdure sur les boulevards c’est le 1er mai: Muguet et lilas ; puis arrive l’iris en apothéose (instant de la fête des mères) avant la bascule dans l’été…
Dans la tradition, les japonais mettent en suspens le temps de leurs activités, et viennent contempler les fleurs du Sakura et des arbres fruitiers dont la floraison éphémère illumine, rassure et donne sens à la vie.
Au moment où le doré-jaune du premier printemps se fane et devient mordoré : – l’élément floral rituel pour célébrer le printemps par ses clochettes parfumées est le brin de muguet ; il s’offre naturellement de la terre en peu des jours… il est offert depuis la Renaissance, le 1er mai, avec les doléances et les vœux aux édiles des Cités (en guise de ‘porte-bonheur’ malgré sa dangerosité) ! – Les défilés de la « fête du travail » avec vente ‘libre’ du muguet, n’arrivent qu’après 1890, pour bien asseoir l’institution de la journée de travail à huit heures, soit 48 heures hebdomadaires (le dimanche seul étant chômé) !
La pyrale du buis 2015 va entrer en action. En ces moments printaniers, l’implantation de cette chenille dévastatrice représente un risque majeur pour l’histoire des plus beaux jardins de France. Divers traitements ont été effectués en 2014. Néanmoins quelques larves de 0,5 à 1,5cm ont pu hiverner dans des ‘cellules’ de feuilles et de fils de soie ; elles vont passer à l’attaque…
Pour ma part, j’observe depuis juin 2013, alerte, puis souligne (par une suite de billets et une installation au Jardin des Tuileries) les possibilités d’action de chacun d’entre nous ; il a fallu aussi insister sur l’enjeu patrimonial et culturel !
Chaque plant de buis mieux observé et suivi d’actes de prévention responsable représente une lutte positive, bien à portée de main… (cf. billets du 27 sept 2013, du 13 mai 2014 pour quelques conseils de gestes naturels aux particuliers). Cette attention portée aux buis, auparavant considérés faciles d’entretien, consistera en admirant leur beauté horticole, à percevoir leur fragilité d’êtres vivants agressés.
Il s’agit d’éviter l’expansion, l’implantation de l’insecte, et l’épuisement de plants de buis indispensables à l’art des jardins.
Panneau photographié le 5 décembre 2014 au Jardin botanique de Lyon (cliché G.C.)
Faisant suite à mes courriers adressés à Anne Hidalgo, Maire de Paris, et à la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement, j’ai reçu en date du 18 décembre 2014 cette belle réponse circonstanciée :
« Monsieur,
« Vous avez bien voulu appeler l’attention de la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement sur le développement de la pyrale du buis dont les effets sur le patrimoine végétal parisien sont désormais avérés.
« Vous observez que de nombreux parterres en buis sont aménagés dans des espaces privés et que les particuliers ne disposent pas d’une information technique suffisamment précise pour les sensibiliser aux méfaits de ce papillon originaire d’Asie (Chine, Japon, Corée) qui dépose ses œufs sur la face antérieure des feuilles. Celles-ci sont alors fréquemment dévorées par les chenilles, sitôt formées, avec pour conséquence dans les cas les plus sévères, la mort de la plante.
« A la faveur de conditions météorologiques très favorables, il est en effet possible de constater le développement de deux à trois générations de pyrale du buis par an, entre les mois de mars et de septembre, ce qui complique d’autant plus la gestion de ce ravageur contre lequel aucune réglementation n’existe pour l’heure.
« Pour limiter sa progression, la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement met néanmoins en œuvre pour ses propres espaces verts plusieurs moyens, qui sont fonction du degré d’atteinte des végétaux et de l’importance des buis.
« Ainsi, précède-t-elle soit à la taille des parties infestées dans le jardin, à la suppression des plantes les plus touchées et à leur remplacement par d’autres arbustes, soit à des traitements phytosanitaires, comme le Bacillus Thurengiensis. Dans ce cas, des conditions strictes d’utilisation sont nécessaires pour préserver l’efficacité du traitement : stade précis de développement des chenilles, météo favorable (absence de pluie dans les trois jours consécutifs à l’intervention) ainsi qu’une fermeture du site au public entre 6 à 48 heures selon le type de produit utilisé et conformément à la législation en vigueur.
« Ce protocole utilisé par les professionnels ainsi que d’autres précautions pour limiter les risques de contamination des buis comme l’évacuation des déchets végétaux en filière d’incinération nécessitent d’être mieux connu du grand public.
« A la suite de votre suggestion et dans le cadre d’une lutte à plus longue échéance contre la Pyrale, je tiens donc à vous informer qu’une information est désormais disponible sur Paris.fr à l’adresse ci-dessous.
« Cet article sera également relayé sur le compte Facebook et Twitter de la DEVE. Enfin, la direction de l’information et de la communication (DICOM) doit prochainement reprendre cette information dans ses pages actualité « Paris au vert ».
« Je souhaite que ces éléments puissent répondre à votre légitime préoccupation et vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.
Le Directeur Adjoint des Espaces Verts et de l’Environnement, Bruno GIBERT »
‘Restauration’ de l’Atelier du peintre : – Quel rêve de faisan ‘doré’ au cœur du M’O !...
– Mais à quoi rêvent-ils au musée ? Après trois expositions manifestes à thèmes provocateurs, observons le besoin présent de cette intervention, affirmée le 3 décembre 2014 à l’auditorium du musée d’Orsay :
Cliché présenté pour la souscription : photo dé-saturée et sous-exposée ! (doc. issu du site Ulule.com) mais aussi sur le site du musée d’Orsay
Etat antérieur (aux vernis du Louvre), aspect à comparer avec le cliché présenté par le musée d’Orsay.
Un nouveau projet : la restauration de "L’Atelier du peintre" de Courbet
D’emblée, l’œuvre capitale de Courbet, bien commun du citoyen, a été soumise à une appropriation tarifée… En fin de souscription, durant la journée ‘d’étude’ : « Conserver, protéger, restaurer au musée d’Orsay » furent exposés les objectifs actuels sur L’Atelier du peintre de Gustave Courbet. Une vidéo d’une heure a été mise en ligne… Instruit d’extraits retranscrits, le présent commentaire des propos relève quelques unes des erreurs méthodologiques de la ‘restauration’ liées à une tendance réductionniste. Par exemple, nous observons que les conditions initiales de l’intervention s’avèrent insuffisantes, erronées, voire pernicieuses. – Compléments critiques en 10 points : (cf. lien vers la vidéo ci-après)
1) Présentation -Courbet étonne par le fait que souvent ses toiles partent d’un fond brun-noir et explique lui-même : « La nature sans le soleil est noire et obscure : je fais comme la lumière j’éclaire les hauts saillants. » (Propos à Max Claudet).
Or, dès la première minute d’immersion à l’auditorium du musée, une image tendancieuse du tableau est projetée ; L’Atelier est détouré (pour l’effet ?), sans fond, hors cadre ! En guise de témoignage – sur le jeu d’émergence de splendeurs chromatiques très finement dorées, traitées en clair-obscur en des climats modulés et divers résultant du travail sur une base sourde – le cliché produit par le musée d’Orsay s’avère un contre-témoignage.
Vidéo capture d’écran du tableau ‘donné à voir’ au public par le M’O
Si ceci a pour objectif d’« éclairer » le public sur le projet de restauration voilà de quoi laisser songeur !
Aucune attention ne semble portée au fait que la bordure blanche entourant l’image est éblouissante. Cette bordure gêne donc gravement la lisibilité. Elle obscurcit l’image et accentue l’effet fané de l’ensemble.
Lorsque le visuel occupe tout l’écran, l’intégralité de l’œuvre n’est pas respectée. Le tableau est rogné de plusieurs cm. Il reste ainsi décentré pendant la conférence. Or à plusieurs reprises, seront évoquées les bordures de tension de la vaste toile, lieux d’interventions nécessaires.
Ceci n’est-il imputable qu’aux conditions techniques de l’opération ?
2) Légitimation -Relevons aussi l’importance accordée aux illustrations de ce qui n’est pas visible à l’œil humain (dont la radiographie de 1977).
A l’évidence c’est la pièce maîtresse du dispositif. Le grand élément de fascination du public ! On fait croire au public qu’on le traite avec tous les égards dus à ses compétences, alors qu’on montre des clichés qui sont travaillés selon des règles scientifiques précises dont la plupart des gens ne connaissent rien, différentes selon les disciplines et très difficiles à justifier, en fait, sur un plan purement pictural. C’est un discours où la rhétorique est utilisée pour persuader.
« Sur la radiographie, on voit plus l'ébauche du tableau que l'œuvre finale. Certaines figures n'apparaissent pas à la radio, la matière étant trop légère, tandis que d'autres, disparues de la composition finale, sont révélées », dit-on au C2RMF. A cela rajoutez les images infrarouge et les réflectographies (en fausses couleurs), où l'on est sensé ‘bien voir’ tous les repeints... et le public est gagné. Dans notre monde techno-dépendant, la crédibilité générale à propos de la démarche, de son sérieux, atteint son comble. Cette avalanche de clichés est-elle vraiment justifiée ?
La truculence mystérieuse et fantastique du métier d’un Courbet se prête à des repentirs, à des repeints, à la vaste complexité de la création artistique et donc, à des découvertes anecdotiques !
Une image aux rayons X de la densimétrie osseuse de votre boîte crânienne vous est-elle demandée par l’esthéticienne pour épiler vos sourcils ? Non, sauf à vouloir aller sous l’épiderme jusqu’aux parties osseuses. Voilà peut-être pourquoi, dès la première phase de l’intervention, une radiographie numérique était affichée sur le côté droit. Etait-ce pour rassurer le public ? Pour légitimer l’intervention poussée au-delà du dernier vernis à respecter ? Pour légitimer, donc, une opération touchant à la matière picturale de Courbet ?
Le public du 3 décembre se doutait-il que l’image radiographique brouillait, au mieux, détournait, au pis, son attention sur le visible, par la fascination pour l’invisible.
3) Vision globale -La cage de verre a été saluée comme une innovation sans précèdent. Or, cette ‘restauration’ réitère le principe d’une cage vitrée au cœur d’un musée, comme cela avait été le cas pour la restauration des Noces de Cana… On retrouve, hélas, les mêmes erreurs méthodologiques.
Les gens de métier en peinture ou dans le domaine optique connaissent la nécessité, toute logique, de disposer d’un espace équivalent à deux fois et demie la hauteur d’un tableau, pour avoir suffisamment de recul, d’une part, et pour prendre une vue d’ensemble, de l’autre, soit dans le cas de L’Atelier, plus de 12m (et l’ampleur particulière du format de L’Atelier du peintre avec les installations du travail demanderait plus encore), – mais la profondeur de la cage n’est que de 5,80m, auquel il faut soustraire (à l’intérieur) l’épaisseur du châssis et la largeur des échafaudages de plus de 1,50m.
Observons alors que la cage de verre du M’O est un espace en fait assez « exigu », de 45m2, ce qui ne permet pratiquement aucune possibilité de recul. Cet espace est, par ailleurs, encombré de deux échafaudages mobiles, lesquels projettent des ombres portées sur le chef d’œuvre.
Admettons que les restaurateurs aient le nez collé sur la toile. Ils sont munis de lunettes grossissantes et travaillent sous projecteur. Ils sont donc plus « proches » de la surface qu’aucun peintre ne l’a jamais été. A quoi cela peut-il bien leur servir ?
Or, ils sont bien obligés de sortir pour juger leur journée de travail ! Et ils ne le peuvent pas parfaitement parce qu’ils sont tenus aux limites matérielles de leur cage de verre !
Une telle ‘restauration’ n’exigerait-elle pas de bien voir, les résultats d’un travail fait morceau par morceau et menaçant, dès lors, l’harmonie générale de la peinture ? Remarquons aussi, tout comme le public, que les verres de l’enceinte ne sont pas de ‘qualité musée’, antireflets !
Le beau principe participatif de « transparence » n’est pas effectif !
4) Visuel de référence -Ne pourrions-nous, d’ailleurs, nous étonner qu’on n’utilise pas les possibilités visuelles actuelles ? Ne serait-il pas utile, pour commencer, de réaliser une réplique numérique haute définition de l’œuvre (au minimum, photographiée en lumière naturelle et en vraie grandeur faute de scan) pour, pas à pas, permettre de s’assurer que la forme artistique de Courbet est parfaitement respectée, et selon toutes ses qualités harmoniques ? Une réplique de qualité pourrait permettre non seulement d’aider les restaurateurs à suivre et comparer leur progression au cours de leurs journées de travail, puisqu’il s’agit ‘d’opérer la cataracte du tableau’, mais aussi d’aider les contributeurs, les amis de Courbet et le public d’apprécier effectivement le travail d’interventions autrement que pris dans les événements et le discours officiel !..
A cet effet, des spécialistes ont-ils validé un état visuel de référence ― en haute définition ― avant d’entreprendre leur intervention ?
5) Sources et diagnostic -Essentiellement liés à l’érudition livresque et à l’approche technicienne du C2RMF, remarquons que ce sont les documents écrits qui prédominent (devant un tableau de peinture à l’huile) ! Or ne sommes-nous pas face à des réalités esthétiques visuelles ?
Mais pourquoi, dès lors, n’y a-t-il aucune approche ou analyse visuelle de l’apparence picturale objectivement considérée comme fondamentale ? Par exemple, ce 3 décembre 2014, allez comprendre pourquoi l’on s’empresse de se méfier des propos admiratifs d’Eugène Delacroix : « appréciation subjective de l’artiste » ? Que veulent dire, et avec quelle résonnance aujourd’hui, les termes « faire amphibologie dans le tableau » (pour nous, peut-être contraste de mise en abîme ?), et les remarques de « non fini » pour l’ensemble de la partie haute ?
Et l’on escamote la référence sensible, une forme de sacré lié à « l’amour du travail bien fait », fondatrice de la bonne transmission d’un chef d’œuvre !!
Madame I.P., conservatrice, tient un discours d’historienne de l’art ; mais en fait c’est déjà un parti-pris d’exclusion aveugle. Elle table son discours sur un descriptif iconographique qu’elle affirme ‘fondamental’; puis souligne qu’on ne dispose pas de traces documentaires anciennes concernant la partie haute de la composition : « fond du tableau qui pose des problèmes d’interprétation aujourd’hui »(12 :10).
Ainsi avertis, nous n’aurons pas à protester si cet espace, pourtant nécessaire plastiquement, en ressort bouleversé.
Les conservateurs ici présents ne se fondent, donc, sur aucun diagnostic visuel objectif pour… autoriser le travail de restauration !
5bis) Le sens de l’art -Ce diagnostic, il conviendrait pourtant bien de l’établir avant que ne soit décidé de toucher à l’une des parts les plus inventées et magnifiquement fondées selon le processus magistral de la Peinture, primauté du fait de peindre !
Or, une dimension abstraite et mystérieuse de cet Atelier de Courbet – celle de son fameux « plus rien qu’un grand mur nu » – créée un espace en rythme d’envolées, en finesse structurée, subtilement cadencé et contrasté, dans un apparent ‘inachevé’ ! Et, compte-tenu des sept lès de toiles perceptibles, je le soutiens, contraintes sublimées… (procédant essentiellement de son « devinera qui pourra ») !
Nous voyons là, une preuve manifeste d’une création artistique géniale puisque Gustave Courbet l’avait d’abord imaginée comme un espace concret et provocateur, tel « un tableau d’ânier qui pince le cul d’une fille qu’il rencontre… ! ».
Une succession de sortes de ‘dazibaos’ d’une richesse inouïe dans l’art occidental, en 1855. Ces pans séparés, créent un espace fondateur d’un ordre purement pictural qui construit une succession, mystérieuse, de vastes paysages (un peu à la façon de Léonard derrière la Joconde ?) à l'ancienne au-dessus des têtes de caractères et portraits.
Le monde goûté par les amis de Courbet : ‘espace’ entre irréel, imaginaire et fiction, et qui devient un paysage « réel », l’incarnation picturale d’un Ornans (réaliste !). Cet espace pictural est manifestement regardé et perçu par la figure de la femme à droite (Madame Sabatier), mais ignoré par « ceux qui vivent de la mort », à gauche, (les braconniers et les gens de convention).
« Grand mur nu » pour l’époque mais riche de taches pré-arborescentes en formation ; manifestation de structures dissipatives, voici qu’à tous égards le morceau pictural tient effectivement de l’indicible (à peine commenté ou mal compris) !
Si, par conséquent, on entreprend un travail de restauration sans avoir analysé, en toute modestie (ce monde complexe, de hauts panneaux de diverses réalités et fictions, sorte de pré-Mondrian combiné de Zao Wou-Ki à l’époque de la figuration), lorsqu’on prétend appartenir à des disciplines scientifiques, ne se devrait-on pas ici au moins d’appliquer un principe de précaution absolu ?
Or, c’est déjà une des parties qui a le plus souffert. Elle paraît maintenant comme un 'tohu-bohu' !
6) Par induction -L’œuvre est peinte en 1854-55. Il est, alors, implicitement « reproché » à Gustave Courbet d’avoir exposé son Chef-d’œuvre ― une évidente toile manifeste ― encore à peine oxydée et tout juste vernie… Bien que techniquement complexe, la toile de 22m2 a pu voyager roulée. Contrairement aux assertions émises par les autorités du musée, et complétées de quelques suggestions laissées aux médias à propos de la nécessité d’une ‘restauration’ (préventive) en raison de transports multiples (par exemple : à Bordeaux en 1865, puis à Vienne en 1873), les transports et interventions récentes ne sont pas évoqués…
En d’autres termes : nous, au M’O, avons aujourd’hui les moyens et les fonds pour faire mieux – et sommes bien plus prudents que lui (un peintre célèbre, hors pair en son métier !).
Il est question d’un « état du tableau dégradé avec le temps » (20 :07). On suppute, on soupçonne, et l’on affirme, sans preuve autre qu’inductive, que la peinture fut exécutée à la va vite par Courbet : « œuvre bâtie très rapidement, présentant très tôt des altérations et des problèmes d’adhérence » (20 :57). Mais on oublie de rappeler que le rentoilage de 1934 (au musée du Louvre) a pu parfaitement consolider et renforcer les bandes de tension de la toile et les bordures.
Entre avril 2013, puis février et juin 2014, sont demandées des études préalables… puis, de nouvelles analyses (matérielles) complémentaires qui aboutissent à une décision peut-être assez compliquée à prendre. Le 24 juin le ‘Comité scientifique’ demande de « sécuriser le tableau qui présentait un certain nombre d’altérations et également améliorer son état esthétique, sa lisibilité »(23 :51).
Tout un programme ! Mais on se garde bien d’expliquer au public la nature et l’importance de ces altérations.
6bis) Quelques fondamentaux -Le 3 décembre 2014, il est évoqué que Degas aimait tant le chef-d’œuvre ainsi, qu’il a failli en être acquéreur. Je ne résiste donc pas à rappeler un des témoignages de Daniel Halévy :
« Ce fut bientôt (contre) le directeur du musée du Louvre (…) que se tourna la colère de Degas. Cette colère avait un objet précis qui devint pour lui le sujet d’une indignation presque inquiétante, tant elle avait de force et de fixité. Le sujet précis de cette indignation, c’était une restauration des Pèlerins d’Emmaüs qui venait d’être effectué par les services du musée (…). Les Pèlerins d’Emmaüs avaient pour un temps, disparus des cimaises ; enfin reparu, le tableau n’était plus celui que nous avions connu. Ici, je parle pour moi même, par moi même ; j’affirme que le tableau remis sur la cimaise éclairci par le nettoyage n’était plus la toile que nous avions connue. J’ai récemment vérifié ce souvenir en comparant des photographies anciennes et des photographies récentes. Le tableau lavé est un tableau dévalorisé. Je pense qu’il se produisit dès lors des jugements sévères dans la presse. Ce qui reste dans mon souvenir c’est l’indignation de Degas. Il semblait que l’on eut touché à l’honneur de quelqu’un des siens. Le directeur du Louvre s’en est expliqué : « Je suis conservateur des tableaux du Louvre, je les conserve (…) ». Degas répétait amèrement ce propos. Il était furieux par le fait que les Giorgione, les Rembrandt, les Watteau avaient travaillé pour être livrés à des fonctionnaires pédants. « Toucher à un Rembrandt, sait-on ce qu’on touche, sait-on comment c’est fait ? C’est un mystère. »
Degas parle, 1891 p.53-54, éd. de Fallois, 1895
Que pourrait-on ajouter pour mieux expliciter la crainte des artistes devant les refus péremptoires des muséographes ? L’optique de la création artistique part d’un tout autre point de vue et d’une autre expérience vécue que celui du pouvoir exercé présentement par les conservateurs sur les œuvres du patrimoine artistique.
Une peinture à l’huile subit une oxydation naturelle. Il y a d’abord un processus relativement rapide dès le premier séchage ; un équilibre s’établit entre huile, résine, et pigments, après l’évaporation de l’essence de térébenthine. La tradition du métier veut que dans les premières années, la couche picturale reste souple et se stabilise progressivement dans l’oxydation pour un équilibre, heureux, au bout d’environ cent ans. Si, dans cette première vie de la peinture, l’œuvre de bon artisanat s’est agréablement conservée (selon un bon équilibre matériel et optique), sa maintenance dans le temps est assez simple. En l’occurrence, le grand Courbet pouvait voyager sans problème dans un immense rouleau ; c’est une chose que l’on savait parfaitement faire !
Ensuite, sa conservation est celle que l’on doit aux caractéristiques de l’âge vénérable : du calme et des précautions… Certes un rentoilage a été décidé en 1934, mais derrière, on se contente de régénération du vernis. La régénération pouvait se faire avec une essence volatile ou bien avec de l'alcool liquide beaucoup moins "léger". On ne sait pas dans le cas présent. Mais on intervient le moins possible sur la couche picturale ! Des accidents peuvent survenir ; on dépoussière, on décrasse, on bichonne, mais on respecte… même si un équilibre chromatique doré peut paraitre relativement plus sourd.
Mais trois vernissages successifs en huit ans c’était vouloir faire d’un être de 130 ans un sous neuf ! Dès lors le processus de stabilisation temporelle a été remis en cause ! Pourquoi faire payer le prix de la « sécurisation esthétique » au public actuel alors qu’elle est très évidemment imputable à ceux qui, en 1977, 1984 et 1985, ont commandé ces aberrations !?
L’une des premières initiatives de Monsieur G.C., président des musées d’Orsay et de l’Orangerie, en janvier 2008, a été d’initier une nouvelle muséographie réduisant au maximum les brillances regrettables dues aux couches de vernis successives, par un éclairage joliment astucieux. Dès lors, l’état des lieux pouvait être considéré comme satisfaisant. Sagement, on pouvait agir superficiellement… (juste alléger les vernis récents).
7) Vernis respecté ou table rase -Depuis l’époque de la ‘restauration’ des Noces de Cana au Louvre, s’est fondé le principe de la ‘table rase’ allant au-delà des allègements de vernis… jusqu’à meurtrir l’épiderme de la couche picturale avant la restauration des lacunes. Donc selon des critères sans nuances dénoncés à juste titre par l’ARIPA ; et ce fut la mise en place d’un discours fondé sur des demi-vérités idéales !...
Or, suite à une question inaudible d’un auditeur de la journée d’études, on aborde enfin le principe essentiel du vernis (le plus ancien) à respecter. Madame C.B., restauratrice mandataire, répond : « Je pense que très vraisemblablement il y a eu un vernis. On a même vu au cours des analyses qu’il y avait des traces de vernis entre les strates de peinture de l’artiste. Je suppose qu’il a été verni au moment où il a été présenté. A l’heure actuelle, la présence de ce vernis paraît un peu espérée, mais pas vraiment réaliste. L’œuvre a été restaurée plusieurs fois. » (53 :11)
Elle doute donc qu'il en reste sur la surface. Peu nous importe son doute, ce qu'on aurait voulu lui entendre dire, c'est qu'on recherchera toute trace qui pourrait en subsister ! Ce qu'ils ne feront probablement pas... Le (ou les) vernis le plus bas (ancien) est-il est constitué des même résines que ceux des sur-vernissages très récents ?
Face à la complexité de la création artistique que de confusions pour une « chirurgienne en peinture » sous couvert d’analyses du C2RMF et de maints documents d’archives !
Bien sûr qu’il y a « des traces de vernis entre les strates de peinture de l’artiste » ! On ne rappelle pas souvent l’anecdote de Bonnard revenant, en cachette, au musée, armé de sa palette, afin de travailler encore à s’approcher de l’équilibre idéal d’une pensée harmonique ! Sur le chevalet… même les plus grands artistes ‘remettent sur le métier leur ouvrage’.
Depuis les frères Van Eyck, sans doute, des « vernis à retoucher » ont été élaborés à cette fin précise ! Il se produit même que des Véronèse, Courbet ou Balthus poncent la matière picturale, l’usent ponctuellement, pour faire quelques reprises ou « raquelures » au couteau ; ajouter du vernis à retoucher, etc. Et même, une fois le tableau verni, sec, il leur est encore possible, je le soutiens, d’y revenir, d’y retoucher, ceci expliquant les strates constatées ! Mais les analyses ‘scientifiques’, si fines soient-elles (au micron près), ne peuvent rien dire de cela ― qui n’est pas de leur ressort. Elles constatent seulement. Les conservateurs interprètent, ensuite, un mystère venu tout droit des tripes artistiques !
Les reprises sont avant tout d’ordre esthétique et formel. Elles relèvent donc du jugement de l’œil. C’est pourquoi l’allègement des vernis, la régénération prudente, le bichonnage précautionneux, etc., avaient été le point fort d’une éthique professionnelle à la française. Pourquoi ne le sont-ils plus ?
7bis) Hypothèses -Cette restauratrice soutient que, durant la guerre, entreposé au château de Sourches, le tableau fut restauré. Admettons… mais ce n'était pas du tout une "restauration" telle que les musées l'entendent et la font à notre époque... René Huyghe, Aubert, Goulinat et Germain Bazin étaient des chantres du principe de ne jamais toucher au vernis le plus ancien, car imbriqué avec les phases subtiles et finales d’une création artistique !
Après la guerre, la documentation mentionne effectivement plusieurs soins ; mais assurément méticuleux. Et rien ne démontre alors le fait ou le principe d’employer :
« 7 restaurateurs pour la couche picturale, 4 pour le support + un photographe » pendant plus d’un an pour la très modeste somme de 600 000€ (tout compris) !!
Donc, de deux choses l’une :
soit les restaurateurs sont formés à l’idée (ou à l’idéologie) que toutes les œuvres anciennes ont toujours été manipulées, usées, repeintes, donc bidouillées, etc.
Mais alors c’est omettre ou accepter d’ignorer deux facteurs :
- a. Que les restaurateurs d’autrefois étaient proches des peintres et des amateurs d’art, tel que Daniel Halévy, lesquels étaient foncièrement hostiles aux interventions radicales permettant tout et n’importe quoi ! Restaurer à l’anglo-saxonne… c’était de mauvais goût !
- b. Que les conservateurs font volontairement une « impasse » sur le fait que c’est l’évolution des sciences et des techniques, l’évolution de la chimie actuelle, qui les entraînent à aller trop loin.
soit nous sommes devant une aventure « légale » (parce qu’ils sont fonctionnaires de l’Etat et « responsables » devant leur hiérarchie) laquelle prend place dans la vie du musée, et peu importe si cela s’exerce au détriment de l’œuvre.
Mais alors, c’est travestir le patrimoine artistique :
- c. Pris dans leur conception « scientifique » de la restauration (il se peut qu’ils y croient, eux-mêmes) ils refusent d’admettre ses aspects mortifères, et permettent les « purifications » esthétiques.
Grâce à quoi on va effacer la part vivante de la bonification acquise aux cours des ans par les œuvres (par exemple, le principe de l’harmonisation des couleurs par les anciens maîtres) !
- d. Dès lors, le respect, le goût et la transmission de la tradition sont révoqués comme « réactionnaires », « pas scientifiques », « conservateurs » (au mauvais sens du terme), et, par vanité, la restauration aboutit à une sorte de taxidermie des œuvres d’art.
8) Raisons d’autorité -Dans le cas de L’atelier du peintre, l’idée de départ est que : « la lisibilité est troublée par l’accumulation des vernis oxydés. (Et que) les couches de vernis ont une incidence sur les soulèvements » (46 :09).
Voyons pour cela, le niveau d’intervention sur l’un des « tests les plus aboutis » (50 :35) sur le site d’Orange.com :
Cliché visuel (à peine recadré) pour mieux percevoir ce qu’il en est des trois niveaux d’allégement : D’après moi, en 2, après le décrassage, un amincissement paraît possible. Mais, en 3, on se trouve déjà dans les couches picturales originales de Courbet. On pénètre dans un magnifique morceau de peinture du drapé, au centre du tableau. On va, jusqu’à gommer des ombres, décaper des jus. Par endroit on produit des usures, au centre droit, et on véhicule de la matière, au centre gauche ; ce qui dissout le dessin de craquelures anciennes !
« On compte 4 à 5 couches de vernis général. Quant au vernis original, il y a de forts doutes qu’il existe ; mais restent beaucoup de vernis d’intervention ».
Mais le cliché du test ci-dessus, pour emblématique qu’il soit, n’est nulle part expliqué, si ce n’est qu’on nous assure du principe ‘très méticuleux et précautionneux’ de la démarche.
L’argument de Monsieur P.C. du C2RMF : « vous savez que les tests ont toujours besoin d’interprétations (nous soulignons). On ne peut guère les montrer comme cela, les livrer en pâture. Ils ont besoin d’être compris, comparés, analysés très finement par ceux qui les font, les restaurateurs, les conservateurs, etc. »(50 : 33)
Cette vérité ne rend que plus problématique l’approche de la restauration. Oui, chaque test repose sur une théorie scientifique et un modèle de références techniques (pour les machines, pour les résultats chiffrés, pour les mesures, pour les couleurs choisies), qui ne sont pas nécessairement en rapport avec l’intuition immédiate.
Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas, a priori, de chimistes, de physiciens, de scientifiques qualifiés dans le public en général ?
Les conservateurs sont-ils plus savants en chimie, en physique nucléaire, en chromatographie en phase gazeuse que le public ? Depuis quand les conservateurs du département de peinture des Musées Nationaux ont-ils des diplômes scientifiques leur permettant de bien comprendre ce que leur disent les personnels qui leur expliquent les épreuves qu’ils leur présentent ?
Enfin, c’est instituer une situation de monopole de fait, et un droit d’intervention sans contestation possible tant sur les images que sur les diagnostics, comme si seuls les « experts » avaient raison : mais qui sont les experts ?
Cliché radiographique (produit en 1977) et numérisé, doc. du C2RMF. Tant qu’il est question de repérages élémentaires, tels ceux des 7 lès de toile de lin, tout va bien. Mais ensuite, la démonstration de localisation dessinée de telle ou telle figure ne laisse-t-elle pas songeur, tant pour le niveau de dessin, calqué sans doute sur l’original du Courbet, que pour la compréhension des repeints délimités par des traits grossiers, si sommaires ? Et l’on s’interroge alors !
Assurément, il y a un ordinateur sur le chantier. Mais, de chevalet, de planche à dessin, ou de carnets de croquis pour capter, dans le respect premier, quelque vision intelligente autre que celle d’un concept général dit ‘scientifique’, ça, je n’en ai vu aucun... Voilà peut-être pourquoi le parti-pris paraît si aveugle.
A ma dernière visite, je remarque même que les restauratrices nivèlent les intersections de la toile – avec lesquelles le maître a forcément travaillé pour établir sa composition… mais, par contre, coupent de frontières aux petits points, pour elles ce sont ‘journée de travail du salarié’, des morceaux de peinture, souvent fondés d’une ‘seule venue’ par couches successives…
Par exemple, la part de ciel et d’une forêt de la Loue sont fracturés à présent, sans conscience de leur interaction au sein de la plus fameuse démonstration d’un maître en sa peinture ; et les dits ‘repeints’ enlevés sur le coude gauche sont-ils un mystère à révéler à présent ?
8bis) Compétences et inquiétudes -En quoi les conservateurs – dont la formation, pour autant que nous sachions, repose essentiellement sur l’histoire des collections, l’histoire de l’art, l’histoire culturelle européenne, et un peu de droit – sont-ils plus à même, que le public ou, surtout, que des artistes (exclus des décisions muséales fortes : cf. billet du 4 déc. 2014), à juger de ce qu’il faut faire dans le cas d’une restauration esthétique ?
Le patrimoine national est un bien commun dont on ne peut distraire l’accès à toute autre recherche que l’officielle.
De plus, l’interdiction générale de photographier au musée d’Orsay (qui, à première vue, établit de meilleures conditions de visite tout public confondu, fonde un sérieux handicap pour le chercheur ou le regardeur). Il est donc difficile de développer une conscience critique complémentaire, ici nécessaire…
Néanmoins, la perception du niveau 3 de l’allègement par quelque lanceur d’alerte, a pu modérer l’impulsion « du test le plus abouti »(50 : 31). Face « aux inquiétudes de certaines personnes sur l’allègement trop profond », il est dit que ce ne sera pas forcément ce niveau qui sera choisi. – Heureuse nouvelle !
Mais lorsque l’on se rend au M’O pour voir comment se déroule réellement l’opération, l’inquiétude persiste quand on observe la phase présente d’allègement des vernis, devenu nettoyage et ‘purification’ au point qu’il m’a paru utile de faire part de mes inquiétudes à Madame Fleur Pellerin, ministre de la Culture. (cf. lien ci-dessous)
9) Le règne du quantitatif -Tout se vaut… dans l’optique de jeunes loups pragmatiques formatés au commercial ! Ainsi, n’en va-t-il pas autrement de la part du communicant à la table du M’O :
-22m2 d’un trésor artistique, et des plus inestimables… c’est en l’occurrence à mesurer à l’aune : « d’un prix au m2 dans le 7ème arrondissement de Paris » (28 :10) !
-La réduction, par le travail de restauration, de la complexité sensible de l’Art, en faveur d’une vision sommaire du devoir de transmission, laquelle revient aussi, comme d’un « projet XXL » (29 :04) ;
-et par là-même, la proposition innovante « de réécrire l’histoire de l’acquisition, cent ans plus tard » ! Alors qu’en 1920, on parlait de panthéonisation et de réparation à l’égard de Courbet, en 2015 on en est au « don contre don » (31 :04).
-C’est qu’il convient, selon les courants forts de la mode, d’appeler le public à participer à l’opération. Voilà une ‘restauration’ où l’on devient « acteur privilégié (…) pour faire partie de l’Histoire. »
-600 000€… ?? Voilà le coût de l’intervention (explicité à présent comme somme globale, etc.) !
Le montant des sommes auprès du public mécène du M’O (partenaire classique) est estimé à 155 000€. A partir de quoi, un autre appel auprès d’un nouveau « public participatif » (c’est-à-dire, plus largement le visiteur), atteint 155 374€. Mais on reste encore loin de la somme posée ! Qu’il faudra compléter sur fonds propres et publics ?...
1330 contributeurs ayant répondu présents avec un don moyen de 116€ ne prouve pas réellement « que l'art est bien l'affaire de tous » même si le président du musée d’Orsay, déclarait à l'AFP : « Je devinais que cette restauration provoquerait des polémiques et que le fait de la faire en public derrière des baies vitrées faciliterait sa mise en route ».
10) Moments pour l’illusoire -Assurément : « la médiation est un enjeu crucial pour les musées », puisqu’il s’agit « d’accompagner, d’aider le public à accéder aux œuvres, à les comprendre »(34 :34). C’est l’autre enjeu « de cette campagne de restauration… » ! Mais pour les acteurs au M’O, comment l’envisagent-ils ? Comme : devoir, savoir, ou pouvoir de communication ?
Après la première période (allant du décrassage à l’allègement des vernis), imaginons que l’état des lieux du nettoyage – inégal – fera moins d’effet pour « l’éducation et la médiation ». En effet, en dépit des affirmations de transparence qu’apporterait la cage de verre, il faudra d’abord savoir compenser les difficultés optiques et matérielles rencontrées par le public devant ce nouvel état du tableau…!
Suivant le « devoir » annoncé de visibilité, les échafaudages devront encore plus servir de couverture au principe (qui nous paraît assez inquiétant) de la mise à nu, par parties… et par restauratrices diverses ― en journée de travail délimitée au marqueur blanc ― qui devrait engendrer une rupture complète de l’harmonie complexe de la composition.
Alors, nous entrerons dans une formule spéciale. Celle d’un certain ‘savoir faire’ ! Car le restaurateur est laissé à ses propres observations « suite à l’allègement du vernis, on pourra voir et comprendre comment se comporte la couche picturale »(47 :27) ; étrange formule qui fait songer que l’on observe un terrain naturel soumis à expérimentation.
A ce niveau-là on touche à l’original, « où l’on découvre (…) la partie un peu cachée des mystères de l’œuvre »(47 :25). Moment crucial où le public et les autorités de tutelle, espérons-le, pourront devenir témoins des agressions matérielles portant atteinte à l’intégrité d’un des chefs-d’œuvre de l’humanité ?
En effet :
-il arrive que les solvants rompent les équilibres réalisés naturellement dans le cours du temps en provoquant une lixiviation des zones (par exemple, là où les solvants atteignent la peinture en s’infiltrant dans les craquelures). Les restaurateurs recourent alors, ainsi que nous l’avons constaté par exemple sur les Noces de Cana, à de faux vieux vernis… reposés sur les zones dévernies lorsque le nettoyage est ‘terminé’ –et que les phénomènes chimiques semblent neutralisés. Le mal n’en est pas moins fait (et peut remonter plus tard ?) (cf. le test au point 8 et les éléments illustrés pour alerter la Ministre, en lien ci-dessous).
-Interrogez des restaurateurs expérimentés, ayant une forte éthique professionnelle ! Tout récemment encore, « deux restauratrices, manifestement malheureuses, m’ont confié : –« Ah, monsieur, si vous saviez ce qu’on nous demande de faire dans les musées ! Mais il faut bien vivre ; qu’y pouvons-nous ! ».
Puis encore :
-Les bouleversements formels subtils sont souvent interprétés, comme futiles et subjectifs ! Combien de regards, dès maintenant, ont suffisamment de connaissances acquises et d’expérience vécue pour comprendre que l’un des traits principaux du génie d’un Courbet, est : « de coordonner, de composer, d’assembler les rapports, de les voir plus justes et plus étendus » (Eugène Delacroix) ? Le visiteur de musées, voit ce qu’il voit… – si on le laisse regarder ! L’émotion esthétique est une expérience de vérité et de sens qui nous aide à vivre mieux… Le visiteur arrivera devant une toile dont la clarté le surprendra. Il applaudira le Musée d’avoir ajusté l’œuvre aux critères de son regard, réglé par les publicités télévisuelles. Il sera content de payer pour voir un anachronisme optique mortifère et le résultat d’une dégradation technique.
Nous pouvons être assurés que la médiation pour adulte et jeune public insistera, dans sa volonté de communication, sur un « certain nombre d’altérations » anciennes, et sur le fait :
-qu’il fallait « sécuriser le tableau » (dans un monde où rien ne doit échapper à « la sécurisation » grâce aux évolutions de la technologie !),
-qu’il fallait « également » « améliorer sa lisibilité »(23 :51) ; question d’état esthétique, donc !
Mais, la volonté pédagogique affichée évoquera-t-elle aussi la pertinence de ces deux fondamentaux, éléments émis par l’ARIPA, depuis 1992, et l’histoire funeste des Noces de Cana au musée du Louvre ? (cf. lien avec le billet du 4 déc. 2014)
10bis) Occultation -Les éléments matériels ou techniques du travail, et les garanties ‘scientifiques’ revendiquées, procurent au visiteur du musée une certaine excitation. L’idée qu’un savoir-faire « parcimonieux » était à juste titre exercé, est alors active.
Après l’idée, si à la mode, d’animation en public par les restaurateurs, vient la phase de la restauration proprement dite. Alors, tout devient très lent ; ennuyeux même ! C’est un moment assez laid pour les regards non avertis !
La veille encore le chef-d’œuvre est admiré pour son climat splendide subtilement doré. En son centre, il est fort de couleurs émergentes entre différentes qualités d’ombres ; le sol de l’atelier est un socle en terre de Sienne naturelle et ocre d’or. Tout ceci, après le nettoyage, sera maculé de mastic (blanc ?) pour « le comblement et la mise à niveau des lacunes »(48 :25).
Telle est la part irrémédiable de l’opération actuelle. Après quoi, durant un temps long, le tableau sera irregardable. Les échafaudages alors seront encore plus indispensables …
Très proches de la toile pour éviter tout incident, les restauratrices doivent reprendre, lacune après lacune, pas à pas, avec de la couleur au vernis (je pense). C’est -très petit, très appliqué … Car selon le dogme de la conscience muséale actuelle, pour les repeints du temps présent, il ne faut pas déborder.
Or, à distance, cette phase n’a rien de spectaculaire. On sera donc tenté d’occulter le plus possible la vision du tableau, tout en continuant à planifier des ‘évènements’ comme des petits déjeuners, des dîners, etc. pour les VIP et les « acteurs privilégiés ».
Côté public arrive alors un devoir nouveau… Il faut communiquer avec le peuple, devenu consommateur de l’offre et du mécénat d’entreprise ! A cet effet, un programme de médiation édifiant sera proposé dans le musée, dès mars 2015.
Il sera proposé : « Une application de réalité augmentée ». Non pas dans une salle pédagogique annexe, mais au sein des chefs d’œuvre, au cœur même du plus célèbre musée du XIXe du monde !
Qu’est-ce qu’ « Une application de réalité augmentée » ? C’est, à l’aide de tablettes et de casques audio, la possibilité pour le public de superposer des informations virtuelles sur le tableau en restauration (autrement dit : brouiller la vision directe au moyen de textes sonorisés et d’images. Interposer et superposer au lieu d’apprendre à voir directement.). Comment refuser puisque, c’est offert par le musée ? Cadeau !!
Dès lors, sans doute au dos des échafaudages, une ‘reproduction’ (d’une certaine taille ?) occupera ― escamotera ― l’attention du visiteur, et une médiation d’appropriation permettra … de toucher « des échantillons de toile et de châssis pour donner une idée de la matérialité de l’œuvre de Courbet » (37 :30). La stratégie de détournement du regard sera alors à son comble !
Voyons l’illustration présentée à l’auditorium :
Magique, n’est-ce pas ? Mais que signifie cet exemple ? S’agit-il de ‘faire du neuf avec du vieux’ ? Du surréalisme ici, mais en 3D ? Car à quoi bon cette sorte de 'réalité augmentée'(38 :31) ? Ce visuel vaut-il le coût du point rouge sous la palette de Gustave Courbet ?
Bien avant le ‘pointeur connecté’ du M’O, projeter les règles, les modes, les critères de notre temps sur un tableau ancien, fut une voie procurée par Pablo Picasso – ouverte à plusieurs reprises, entre 1950-61. Mais attention… Picasso y prenait alors le risque ‘inouï’ d’un certain ‘droit à l’arbitraire’ qui était : Création artistique, hommage d’une certaine maîtrise et non… récréation du public !
Une telle réalité augmentée qu’est-ce au fond ? Est-ce pour faire le « joli » ? Est-ce pour sacrifier au goût de « l’amusant » ? – et du fun ! On apprend en écoutant un responsable que : « Le scénario est écrit par des spécialistes du numérique culturel en concertation avec des conservateurs ».(39 :25). Lesquels, s’il vous plaît ? Les conservateurs sont-ils devenus les « animateurs » d’un Disney Artland) ?
Faut-il rappeler que jusqu’il y a peu, le rôle premier de la peinture était d’être le véhicule d’une pensée constructive, servant la beauté, flattant la sensibilité humaine : « Moi qui fait profession de choses silencieuses » écrivait Nicolas Poussin, qui ajoute : « Il faut user des mêmes moyens à les bien regarder comme à les bien faire ». Un tableau est un objet silencieux et fixe placé devant un regard, dirait-on aujourd’hui.
Si on le voulait bien encore, dans les musées des Beaux-arts, on pourrait apprendre des réalités considérables afin de mieux goûter certaines subtilités non polluées, dans un émerveillement naturel à la vie !
Pour le vécu du regard, le dessin académique… toujours enseigné par les plus fins révolutionnaires en Art, tel César, Etienne Martin, etc., éduque : à la conscience, à la déduction, à l’opinion, à la convenance, à la tolérance, à la différentiation, à l’humour, à l’identité, à la singularité, au rire, à l’amour du regard, à la mode et au goût (et encore, ce n’est pas tout !).
Dans une conscience des choses silencieuses, la confrontation de ces trois images devrait suffire :
En haut : détail central d’une composition magistrale ; photo N&B de la peinture avant restauration. Au centre : visuel capture d’écran, manipulé numériquement pour l’effet 3D. En bas : détail central de la peinture respectant les propriétés de l’harmonie chromatique.
Même en N&B, quelle imbrication interactive étonnante de la composition : avec tout le savoir de son Art, les éléments de dessin, de valeurs, de ‘couleurs’, de matière, de mystère optique, créent une forme supérieure à ce que la Nature peut savoir composer. Courbet affirmait que cette peinture est : « Le tableau le plus surprenant qu’on puisse imaginer ».
Par comparaison l’exemple de « réalité augmentée » est consternant... On y perd tous les repères de sens de la forme distribués par Courbet. On devine bien le petit plaisir du graphiste : mettre Courbet sur une chaise éjectable ; réduire à une sorte de ‘dégueulis’ les « parties d’une exécution considérable » grâce à un logiciel de déformation d’image. Faire passer derrière le chevalet l’allégorie réelle, après l’avoir détourée, sans ‘seuil de tolérance adéquat’, quelle révolution !... Surtout si, en plus, on scalpe l’un des grands collectionneurs du maître du réalisme. Tout ceci est pédant et mauvais !…
C’est nul ; mais reste à savoir pourquoi, pour rendre hommage à la vérité, a été fait le choix d’une atmosphère si livide, grise et froide, pour accompagner l’animation aérienne d’un détail si mal taillé qu’il leur faut tirer dans la manipulation des éléments de mort dans les angles ?
Le témoignage de Courbet est autrement émouvant, sensuel et spatial. L’assise dorée d’une atmosphère lumineuse, telle la croûte craquante d’un bon pain, campe bien l’émerveillement de l’enfant. Un statisme ‘réaliste’ de pure poésie qui parvient à communiquer ― sans besoin d’aucune sonorisation ― le jeu de formes mystérieuses et de saveurs. Quant au chat ?
Delacroix disait : « [Je] reste seul près d’une heure et je découvre un chef d’œuvre dans son tableau refusé ; je ne pouvais m’arracher de cette vue. Il y a des progrès énormes… » en cet Art. .
10ter) Laboratoire des regards -Dans l’effort d’éducation et de communication pour une Approche visuelle de la peinture, avec la volonté de rendre honneur aux réalités artistiques, il y a bien autres choses à produire au musée (cf. liens avec le colloque de Mouans-Sartoux et ICHIM 2005, International Cultural Heritage Informatics Meeting, lieu des premières démonstrations de réalité augmentée avec E. Trouvers).
En toute logique de prospective, il existera, par le fait des facilités du ‘numérique’, une bien plus vaste offre que les simples cartels traditionnels posés aux côtés des œuvres au musée ; ce qui permettrait de compenser relativement la perte de sens produite par les interventions, dites de ‘restauration’ ; mais qui sont une forme de pollution de la perception au nom d’une idiologie périlleuse de purification esthétique !... Il s’agira alors, de compléter visuellement… bien des partis pris laissés en héritage par presque deux générations de conservateurs de musée.
Mais il serait bien tout de même que le vaste ‘pictocide’ aux réalités sensibles du patrimoine, s’arrête... Car les outils technologiques recèlent déjà un potentiel de présence ; et force serait déjà de réaliser que les restaurations esthétiques, assimilables à d’autres errements de la fin du XXe siècle, vont assez vite se révéler obsolètes au regard de la prise en compte des interactions systémiques !
Chacun sait par exemple que sans les lois physiques de la chute des corps, il n’y point de possibilité d’envol, donc de liberté humaine. Dans les logiques du visible, il y a aussi des règles de grammaire spatiale ; elles s’offrent au regard, en formes, couleurs et richesses de proportions. Et, comme dans toutes les logiques, il y a des exceptions. Quelle merveille, et quelle leçon putative ! Je pense même qu’une pensée ‘écologique’ pourrait trouver du miel en ces fleurons patrimoniaux et artistiques de l’humanité. Car elles sont organisées pour produire le juste, le bien… Et c’est si Beau !
Or, si toute ‘restauration’ intervient dans cette logique et porte atteinte à son intégrité, force serait de s’en méfier. Est-ce pourquoi, tels d’augustes prestidigitateurs, les responsables du patrimoine au musée d’Orsay (entre autres) se sont lancés dans une restauration (si onéreuse) ? Y a-t-il un intérêt (autre qu’illusoire) à chausser un casque « pour entendre murmurer les personnages du tableau ; pour percevoir leurs pensées » (38 :16) !
La 'réalité-mu-muse' au Musée d’Orsay !... Mais à quoi bon, s’il n’y a pas de règles respectées dans une lettre de remerciements et une prudence vis-à-vis des normes qui fondent les sociétés civilisées ? Par là même, il s’agit aussi de savoir à présent quelle est la part de manipulation et de liberté bien licite dans le domaine muséal.
A cet égard, le sculpteur et peintre Raymond Mason m’a affirmé lors de nos discussions fréquentes, que Picasso se serait insurgé de toutes ses forces et contre cet arrangement de l’arbitraire et de la restauration au musée ouvrant la voie à une tyrannie mentale. Et par exemple, n’aurait-il pas vomi ici la part perfide d’une pseudo 3D, complément par trop évident de la ‘restauration’ du Courbet ?
Dans cette même logique, quelle importance aurait l’ironie libératrice de Marcel Duchamp ? C’est-à-dire, une paire de moustaches sans l’existence de La Joconde bien garantie, bien conservée, échappant aux gens de la ‘restauration’ !
S'il s'agissait d'un « MAGNIFIQUE 22 m2 » en réhabilitation... « IMPORTANTS TRAVAUX à PREVOIR… EN PLEIN CŒUR… » (comme l'annonçait le Musée d'Orsay avec une désinvolture, un humour fort déplacé), peut-être que je fermerais les yeux ! Mais ici, dans le patrimonial, comment ne pas être sidéré !?
Avec de telles interventions nous allons au pictocide ! Les autorités sont bardées de certitudes grâce au fait d’une planification événementielle et muséale, appliquée aux anciens maîtres… Voilà peut-être aussi pourquoi nous nous trouvons devant une régression de la sensibilité, de la civilisation, et dans l’irrespect… de l’existant. Un chef-d’œuvre de référence au musée est manipulé à grand frais, dans un aveuglement prétendument scientifique ; et selon des approches qui usent le sens, la transmission historique, et l’altérité subversive des œuvres d’art. Or, en ces moments de crise, nous avons besoin de nous ressourcer simplement auprès de socles chargés des valeurs qui nous construisent et nous rendent plus humains.
Artiste visuel, peintre, donateur, c‘est la mort dans l’âme que je me dois au devoir de prélever sur mes forces – donc à la jeune création – pour alerter sur un des objets éminents de notre patrimoine mis à vif, mis en péril, par ses conservateurs mêmes !
– Quel rêve de faisan violet au cœur du M’O !... – Et voilà, et voici… pourquoi il s’agit hélas, mais assurément, d’un Cauchemar :
L’Atelier du peintre. Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique (et morale), 1855.
Un vaste monde de venues à la lumière par la primauté du fait de peindre selon une volonté créatrice ‘réaliste’. Or voici que le ressenti actuel porte à l’idée d’une œuvre faisandée – mais, assurément, forme d’obscurité encore signée G. Courbet !
Haute peinture qui est par nature portée à la ‘ RESTAURATION ’ (commune) « EN PLEIN CŒUR MUSEE ORSAY » après des (re)vernissages successifs aberrants…
« Altéré, sans éclat, non lisible, etc. » (avant l’intervention), selon Ulule.com… Après l’appel à un public participatif, on nous informe que le tableau va enfin être lancé « en réalité augmentée qui proposera une expérience immersive sans précédent pour (re)découvrir le tableau ». – Bravo !? Diablement com ?! Mais un peu cher si c’est au prix du Courbet ! (cf. le merci du M’O, en lien).
1. Suite à une mise à la question par le C2RMF, on me châtie en public.
– Quel rêve ?!
Flambeau allumé, le 8 janvier 2015, durant la minute de silence à la mairie du 15e ; puis, ci-dessous, le soir sur la place de la République. Et brandi à la marche citoyenne !
Si une chose vue vaut mille mots, sans les mots justes une image est mal assise. En l’occurrence, relire entre autres les liens ci-après : les éditoriaux de Laurent Joffrin et les propos de Robert Badinter dans Libération me paraissent un modèle d’authenticité pour La France debout.
Prendre la parole à propos d’une intervention « en plein cœur du M’O » est délicat, mais assurément nécessaire. Espérons !…
A l’heure où nous parlons, nous sommes sous la rubrique du ‘Projet officiel’ d’une grande Institution muséale française, le musée d’Orsay, a priori riche de tous les savoirs de l’érudition de l’histoire de l’art – car dédiée à la création prodigieuse des artistes du XIXe siècle – mais qui en tant qu’EPA (depuis janvier 2004), se doit de lever une part non négligeable des fonds nécessaires pour… une extravagance au coût prévisionnel de 600 000€ ! Démarchage qui vise déjà le dépassement du cap des 100 000 €, etc., dans le but nettement perceptible de réaliser quelque nouvelle et fameuse ‘restauration’ sous les feux d’internet.
La bande rouge d’annonce (toute en capitales) : « MAGNIFIQUE 22 m2. IMPORTANTS TRAVAUX à PREVOIR » est-elle assez éloquente ?
Or, après avoir sollicité divers mécènes privés, demeure en temps de crise une recette nouvelle. Voici en quelque sorte celle proposée au ‘cher’ public déjà entraîné à la spectacularisation de l’offre muséale : comment participer au musée - en complice privilégié - à l’écorchement (plus ou moins symbolique) de L’Atelier du peintre de Gustave Courbet (1819-1877) ?
COURBET vers 1856, photographié par Nadar à Paris, au lendemain de la création de L’Atelier du peintre. Illustration de l’article d’André Chanson, in LES PEINTRES CELEBRES ; éd. d’art Lucien MAZENOD, Genève 1948
1) Vive « la restauration de L’Atelier du peintre… » ! puisque le C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) figure comme autorité de référence et premier opérateur pour les conservateurs et le directeur du M’O !
Beaucoup de ‘décideurs’ ! Mais, dans le domaine des œuvres d’art n’y a-t-il pas d’abord le travail du métier du peintre, ouvrage patrimonial qui se doit d’être respecté – et gardé ! – de nature intangible puisqu’il incarne sans doute des forces… et cette ‘mémoire prodigieuse à la présence de la merveille’ ?
2) « Il aura fallu entre autres bien plus de 18 mois d'études approfondies, de collectes scientifiques et d’analyses pour statuer sur la pertinence et la nécessité ou non d’une éventuelle intervention ainsi que sur sa faisabilité. » (13 juin 2013 : annonce de marché pour une ‘étude préalable’ à une future restauration.)
La belle affaire ! « Plus de 18 mois », et alors ?… Si c’est pour en arriver à un tableau cartographié (le chef d’œuvre emblématique de la société humaine peint par Courbet) avec fenêtres sur trois degrés ‘d’allégement’ dont une assurément déplorable… (suivre le lien de la vidéo de démonstration, à 1.10 et 1.14/2.35, en : 1- état bichonné avec les vernis récents ; 2- allégement : le vernis ancien bien associé dans la couche picturale ; 3- révélation d’une matière de la pâte usée… peinture mise à nu ?… excluant déjà ses jus picturaux ou ses glacis de finition, peut-être ses frottis en retour à sec !?).
Et que prouvent ces éléments de surfaces violentés et données matérielles chiffrées à propos d’un tableau ? Est-ce un nuancier de la terreur… ou le décapage de la nourriture spirituelle du regard ? Mais, quoi qu’il en soit, peut-être faudrait-il rajouter nombre de vertus et qualités sensibles à ces 18 mois ‘d’études’ pour que la dimension véritable de l’art pictural survienne enfin, ou soit considérée au musée ?!
« En matière d’art l’érudition est une sorte de défaite : elle éclaire ce qui n’est point le plus délicat, elle approfondit ce qui n’est point l’essentiel. Elle substitue ses hypothèses à la sensation, sa mémoire prodigieuse à la présence de la merveille ; et elle annexe au musée immense une bibliothèque illimitée. Vénus chargée en documents. »Paul Valéry
3) ‘Lisibilité’ du document ? Que sont en effet ces «études approfondies et collectes… », tous ces ‘documents’ au regard d’un métier artisanal complexe, immense, voluptueux, texturé et subtil… qu’est l’art pictural d’un Courbet ?
Assurément, il y faut le génie d’une existence totalement habitée d’une pratique du métier visuel, une vraie culture d’ouverture sur toutes les énergies en interaction avec la vision et la vie… et de plus, avec la pure création de l’esprit ! (humilité d’enfant, sensibilité respectueuse, vaste amour, éveil matériel et folie de l’adolescence, créativité empirique, excellence de l’Artisanat, etc.) Peut-être, Rembrandt ou Goya savent ici de quoi il retourne ? Ou, plus proche de nous,Balthus qui, sa vie durant, a tenté d’inscrire son œuvre en hommage à Gustave Courbet ? Or Balthus ne décolérait pas devant l’ampleur exponentielle des ‘restaurations esthétiques’ et il citait amèrement Degas : « Toucher à un Rembrandt, sait-on ce qu’on touche ? Sait-on comment c’est fait ? C’est un mystère » !
Sans doute me dira-t-on que, depuis de tel propos, les restaurations issues du C2RMF sont garanties par « des collectes scientifiques et des analyses pour statuer » ; et qu’ils sont mieux outillés en dissolvants spécifiques, en chimie des matériaux, en imagerie scientifique, en optique grossissante, en puissance d’éclairage, car la science contemporaine a fait des progrès !… Ainsi, et bien plus que le corps médical lors d’opérations, les musées s’appuient dans leur communication sur les technosciences d’aujourd’hui pour imposer leurs interventions aveugles sur l’art !
Public, on vous trompe ! Au M’O, ne va-t-on pas se jouer encore de vous… et de la conservation réelle du patrimoine français ? Le mathématicien Alexandre Grothendieck observait déjà, en 1972, que « la mentalité technicienne est la maladie infantile de notre espèce ».
Concrètement, si l’on demeure dans le champ de l’art, peut-on dire par exemple, que l’ADN des cordes vocales de la diva Maria Callas, l’imagerie médicale de ses vocalises lors d’un enregistrement, vous révèlent la qualité émotionnelle de son humanité ? Il me semble donc aussi qu’en art, tout comme en science, « pour avoir la bonne réponse, encore faut-il avoir posé la bonne question ».
4) « La restauration est pilotée par un Comité Scientifique composé d'Experts […], conservateurs du patrimoine, restaurateurs, experts de l’œuvre de Courbet » :
Certes, dans l’imaginaire du public d’aujourd’hui, l’idée d’un ‘comité scientifique’ (en gras dans le texte) revêt quelque chose de magique, d’intimidant et de prestigieux. Mais se souvient-il encore de tous ces bâtiments des époques ‘des humanités’ ou de la suite des Lumières, moment de conscience universelle : palais des beaux-arts, musée, lieux de civilisation ou de mémoire avec, en partition, bien symétriques, quelques noms fameux ou bustes de grands hommes célèbres… bien équilibrés entre : Art & Science ?
Concrètement, depuis janvier 2013, le « Conseil scientifique du C2RMF » est composé de sept membres de droit, de onze personnalités ‘qualifiées’ et de deux représentants du Laboratoire, nommés pour cinq ans. Or c’est peut-être beaucoup, pas assez… et insuffisant ? Combien de personnes de ‘sensibilité artistique’ pour statuer d’art en expert ?
Car si l’on en juge par les ambitions ouvertement spectaculaires de cette restauration d’un Atelier du peintre de Gustave Courbet (présentement encore sous les ‘vernis musées’ de 1977, 1984 et 1985 !), ou par maintes entreprises et aventures de ‘restauration’ : adaptation des maîtres anciens à nos pratiques consuméristes contemporaines – sous couvert de ‘lisibilité’ –, il apparaît que l’institution muséale d’aujourd’hui n’a pas encore su se réformer quant à la prise en compte des dimensions fondamentales et diverses de la réalité picturale.
En 1984, puis mars 1985 et juin 1986, dans les salles Mollien du musée du Louvre, sous l’œil ébahi du visiteur, l’ensemble des ‘grandes machines’, grands formats du XIXe français, a été surverni. Une entreprise déplorable !… (sans doute avec l’aval d’une commission de restauration). A cette époque les précautions sont quasi nulles, hors une bavette de plastique au bas des cadres. Se peut-il que l’esprit d’abstraction soit tel que les conservateurs en charge du patrimoine, à cette époque, aient escamoté les principes et réalités pratiques, l’élémentaires d’une telle opération concrète, et toujours risquée, de vernissage ? A l’évidence, aucun ‘anti-poussière’ n’a été prévu !
5) Pour ma part, dès 1983, vivant dans l’amour éperdu de la réalité sensible des œuvres au musée, j’avais en main des preuves émotionnelles suffisamment révélatrices pour réaliser qu’en France, à l’instar des musées anglo-saxons, on se lançait dans une politique interventionniste…
5) Pour ma part, dès 1983, vivant dans l’amour éperdu de la réalité sensible des œuvres au musée, j’avais en main des preuves émotionnelles suffisamment révélatrices pour réaliser qu’en France, à l’instar des musées anglo-saxons, on se lançait dans une politique interventionniste… Mais, tout comme le public non averti, j’imaginais que le mot « scientifique » (tant répété à chaque propos par les nouveaux ‘conservateurs généraux du patrimoine’) signifiait La neutralité objective… J’ai donc rencontré MM. René Huyghe et Germain Bazin, anciens conservateurs en chef du musée du Louvre :
Ils m’ont écouté comme un freluquet ; puis peu à peu m’ont mieux renseigné sur certains enjeux !…
En fait, tous deux participaient à regret aux décisions des commissions de l’époque. Bien que membres de droit, ils me confessaient avoir une confiance toute relative dans ce qui se tramait autour des mots ‘science’ et ‘scientifique’. Ils observaient qu’un glissement de paradigmes et d’éthique montait… en puissance ; une prise de pouvoir : la fameuse « Sciences au service de l’Art » etc., mais…
L’un, en tant qu’auteur sur la psychologie et la philosophie de l’art, l’autre en tant qu’humaniste, historien et amateur d’art, appartenaient encore à un monde de la Culture (avec un grand C), ou à des degrés divers de Vécu (avec un grand V), chacun pouvait poser une pensée visuelle plus ou moins bien dessinée sur le coin d’une table... Par exemple, à elle seule, la dédicace d’un R. Huyghe dans un livre était déjà ‘Calligraphie’ !
Epoque où l’on entendait dire au sortir du cours brillant (souvent d’un professeur à l’Ecole du Louvre) : « qu’il a bien parlé ; et quelles œuvres il nous a révélées… C’est vraiment magnifique pour moi qui ne sais pas dessiner ! ».
A plus de 75 ans, leur capacité visuelle pouvait être altérée, néanmoins, leur conscience d’amateur d’art déplorait que, d’année en année, la qualité des copies présentées pour agrément par les futurs restaurateurs révélait une baisse notable de sensibilité optique et de finesse de vue ! Par de telles affirmations, ils devaient être objectifs ; ils espéraient donc qu’avec la création de l’IFROA (Institut Français de Restauration des œuvres d’Art) en 1977, la formation des futurs restaurateurs serait suffisamment vaste et ouverte pour qu’ils puissent être les bons garants de la prudence et du non-interventionnisme, conscients de leurs ‘modestes capacités’ du genre : « malgré mes copies d’étude, je ne sais pas dessiner comme un maître ancien, ne me demandez pas de faire ceci ou cela ! ».
6) Globalement, leurs positions vis-à-vis des compétences et des habiletés des restaurateurs d’art à l’épreuve de ce qu’ils voyaient, étaient en train de devenir critiques et méfiantes ; mais ils disparurent ! Pendant ce temps, les formations induites par la nouvelle génération de conservateurs se révélaient de plus en plus positivistes… Voici cinq observations qui me reviennent – plus ou moins explicitées par ces anciens patrons du musée du Louvre (et du Jeu de Paume) :
a- Hanté par l’idée de contrefaçon ou de falsification, à la Conservation des musées, chacun va se rassurer à propos du petit côté trop interventionniste des ‘professionnels aux pinceaux…’ par des points essentiels d’éthique ; il y fallait dans le sillage des défauts, qualités et vertus de restaurateurs, tel Jean-Gabriel Goulinat (1883-1972) : Chartes, Préceptes théoriques et Techniques de « l’allégement des vernis » – grands principes faisant Loi !… D’où l’usage que le restaurateur ne soit pas ‘trop’ peintre, et demeure plutôt semblable à ’un ‘accordeur de piano’ sur toile, marbre, bois, etc. Car d’un certain point de vue, pourquoi trop pousser les restauratrices et restaurateurs dans leurs aptitudes artistiques (dessin académique, peinture, sculpture) ?
Mieux valait éviter que les ‘nouveaux’ restaurateurs, nos contemporains, ne développent trop leur sens critique et leur goût (a priori bon !) – et se prennent pour des chefs d’orchestre reprenant la partition plastique des œuvres qui leur sont confiées.
Et, puisqu’il fallait rester à la surface des objets de l’art… dans les pratiques de la restauration, le paravent ‘technico-scientifique’ enseigné à l’IFROA aurait toutes les vertus de la suffisance absolue d’une ‘mentalité technicienne’.
Ouvrir d’avantage les futurs restaurateurs à des propriétés autres, c’est-à-dire humaines (les arguments de l’esthétique, de l’œil, de la qualité, de la sensibilité…) à quoi bon !? L’idée intellectuelle « qu’il y a vraiment un respect de l’œuvre, une déontologie établie, pourvus de moyens purement rationnels » devait normalement suffire !
b- Les sciences dures, la chimie, la physique, les mathématiques, les techniques et l’érudition livresque (historique) occupent donc l’essentiel de l’enseignement apporté aux restaurateurs.
Mais bizarrement, et c’est un signe fondamental, le niveau de perception oculaire, test d’Ishihara ou de Farnsworth (minimum nécessaire à l’information du praticien !) – donnée ophtalmologique objective – n’est pas mesuré officiellement, ni pour les restaurateurs, ni même pour les conservateurs du patrimoine (peinture) ! Certes, le programme à étudier pour ‘l’épreuve d’admissibilité en Sciences’ comprend en Physique une rubrique ‘Vision’ (morphologie de l’œil et aspect de la couleur), mais cette étude correspond-elle à un examen de la perception visuelle du candidat ? Nous sommes, assurément et toujours, dans le théorique !
Or le citoyen fait confiance à ces corps professionnels en pensant qu’ils sont formés à la capacité optique… sur des bases bien établie, donc à l’aptitude au goût véritable, à la « faculté du discernement esthétique », et qu’ils sont un Œil !
c- Cercle clos sur un corpus de connaissances officielles étroit et tautologique de l’histoire de l’art, les épreuves d’entrée sont conçues pour exclure d’emblée tout corps étranger qui se présenterait à l’admissibilité : voir les copies types rédigée pour l’Ecole du patrimoine à « l’épreuve d’analyse et commentaire d’illustrations ». A première vue brillantes, elles sont éloquentes d’un formatage froid, dit ‘scientifique’, au domaine du ressenti artistique, ce fameux « L'Arrière-pays » comme le disait Yves Bonnefoy. Assurément, elles escamotent la réalité des climats et ambiances d’un tableau, trésor de l’humanité ; leur objectivité se révèle étrangère aux ‘affects’ et se contentent d’un descriptif précis, spécialisé… alors que les futurs restaurateurs auront ensuite à reconnaître les qualités esthétiques diverses qu’ils devront respecter, conserver !
Mais, me dira-t-on sans doute, les épreuves d’entrée comportent des éléments pratiques de l’art visuel, une réalisation de dessin académique ! On leur apprend donc à voir objectivement en regardant avec une optique informée…
Certes, mais qu’en est-il de l’intelligence subjective et critique des œuvres… d’attention au langage plastique et à sa poétique ? – Point ! Car, par écrit, surtout plus de regards autorisés quant à la surabondance des nourritures spirituelles de l’art, du genre André Malraux ou René Huyghe, dans les copies.
Germain Bazin m’avouait, courroucé : « Il est même question de baisser le coefficient de l’épreuve de copie d’après les Maîtres au concours d’entrée des écoles de restauration. » Sait-on pourquoi cette épreuve est à présent notée avec un coefficient 7/17 à l’admission ? Par tradition ? Et par qui ?
Or, je remarque déjà que dans les épreuves d’admissibilité présentes à l’INP (Institut National du Patrimoine), en ‘spécialité photographie’, une épreuve de photo numérique en studio peut se substituer à celle du ‘dessin élémentaire’ (toujours nécessaire au praticien à la démonstration d’une intervention !...)
d- Il est remarquable que, déjà, dès la formation, tout dépende d’une histoire de l’art spécialiste, affirmée comme ‘objective’ ! C’est peut-être pourquoi l’universitaire Daniel Arasse, référence à l’époque du colloque à l’auditorium du Louvre, en décembre 2002 (cf. Nuances n° 31), put affirmer : « A part les arguments de l’œil, de la qualité, de la sensibilité, qui sont des arguments d’autorité que je ne peux pas, bien sûr, accepter, et à part aussi le fait que toute restauration mauvaise est une mauvaise restauration et n’est pas une restauration du tout […], j’aimerais comprendre pourquoi il y a toujours une hostilité, parfois sauvage, à l’égard de la restauration. » En effet, que reste-t-il d’un poisson à qui l’on a retiré le luisant des écailles, les entrailles et le moelleux de la chair ? Une structure objective, digne de raisons !
Par ailleurs, Jean-Pierre Cuzin, conservateur général du patrimoine en charge de la conservation des peintures du musée du Louvre, reconnaît, effectivement : « Qu’un autre principe doit être de ne pas restaurer systématiquement des pans entiers de la collection d’un musée (règle, quasi automatique durant les années 80 et 90, de purification de la couche picturale) ; ne pas être systématique, comme on l’a vu dans le cas - disons-le - de certains grands musées de province français, dont l’ensemble des collections a été́ restauré pour une date X. » Règne d’autorité et de la ‘tavola rasa’ sur tout ce qui est perçu comme élément dénaturant l’idée, dite rationnelle, qu’un cénacle se fait, à un moment donné, d’une œuvre. Et le restaurateur, souffrant d’annihiler le travail de ses prédécesseurs, si ce n’est à l’œuvre de l’artiste lui-même : « Ah ! si vous saviez ce que l’on nous demande ! Vous ne pouvez l’imaginer... »
e- A leurs débuts, les restaurateurs s’avancent ainsi que de petits oiseaux picorant çà et là, bien à la surface du vernis le plus ancien, ce sont juste quelques repeints ou soulèvements ponctuels… dans une attitude de respect des œuvres (et des pouvoirs qui les enseignent). Il n’est pas question de procéder à un dévernissage total, ni de toucher à l’écorce de la branche sur laquelle ils se posent. Mais pour quelles raisons passent-ils de cet état d’oiseau sur la branche à celle d’oiseau en cage plus que nettoyeur ? Et la ‘force des choses’ fait qu’à grands coups d’ailes les voilà faisant table rase de qualités artistiques misent ‘en restauration’. Allez comprendre pourquoi trop de restaurateurs se voient dans le besoin – plus ou moins conscient – d’éradiquer des qualités objectives des œuvres qu’ils seraient incapables de fonder, de refaire, ou de reproduire (dans le meilleur des cas, c’est le travail de leurs ancêtres). Sans doute se sont-ils faits trop apprivoiser par le système autoritaire pour ne pas dénicher leur pitance autrement. – Ah conscience, conscience ; combien de mensonges vitaux sont couvés !?
Michel Favre-Félix de relever : « Et au moins aurons-nous soin de ne pas substituer à l’autorité́ du peintre, en quoi nous ne croyons plus, une confiance sans critique dans le laboratoire ou le musée. A bien des égards, ceux-ci sont les nouveaux modèles d’autorités, dont il est devenu aussi inconvenant de discuter les affirmations que pour un scolastique de mettre en doute Thomas d’Aquin. »
Chacun a besoin de vivre… et il n’y a plus de valeurs dans une société uniquement régie par le marché, la concurrence et les alibis des experts ; les restaurateurs d’aujourd’hui sont armés de dissolvants ‘scientifiques’, et toute restriction est entachée de principes rétrogrades. « Tout se vaut donc puisque le marché dicte sa loi. »
7) « Participez à la restauration sur… Les donateurs bénéficieront d’une réduction d’impôts de 66% du montant du don et de contreparties exceptionnelles, accès privilégiés au sein du musée, rencontres avec des experts, présentation de la restauration, visibilité de leur nom aux côtés de l’œuvre… »
Façade du Musée d’Orsay. Peut-être avez-vous vu cette affiche côté Seine, ou les tracts assez peu réalistes… (déposés jusque chez nos marchands de fournitures pour Beaux-Arts) ?En 1920, à propos de ce chef-d’œuvre de Courbet, la France s’est réunie sur une souscription (pour le musée du Louvre)… Le détail de ce tableau est l’emblème de notre vie – entre deux mondes – ceux que les peintres donnent aussi à voir ! Or le tableau est maintenant, comme sur l’échafaud, en cage !...
7) « Participez à la restauration sur… Les donateurs bénéficieront d’une réduction d’impôts de 66% du montant du don et de contreparties exceptionnelles, accès privilégiés au sein du musée, rencontres avec des experts, présentation de la restauration, visibilité de leur nom aux côtés de l’œuvre… »
Certes, la législation présente des impôts est ainsi faite qu’il paraît normal de renseigner tout contributeur des compensations apportées par l’Etat à la suite d’un don. Il me semble que lorsque l’on pense les choses non pour soi, mais dans une idée de ‘vie durable’ comme l’art, peut apparaître plus nettement aussi le : donner/recevoir et rendre… – noblesse d’un sentiment généreux !
Tout jeune encore, j’en avais parlé avec Jean-Gabriel Clayeux, le concepteur de la dation (cette formule de don des héritiers à la communauté humaine, au musée, plutôt qu’aux caisses de l’Etat français). Lors d’une visite au musée du Louvre où il m’explicitait aussi, médusé devant le résultat des dévernissages, à quel point les conservateurs peuvent user de dialectique distrayant de l’essentiel d’un regard qui serait le vécu de la formule : donner/recevoir et rendre.
Ainsi qu’affiché sur le panneau d’annonce au M’O : « Les donateurs bénéficieront d’une réduction d’impôts […] de contreparties exceptionnelles, d’un accès privilégié… etc. » mais deviendront aussi adhérents ‘complices’ d’une intervention disproportionnée.
Il faut bien voir que les arts du regard engendrent aussi plus que de l’orgueil, une vanité juste et belle : la vanité généreuse. Celle qui n’a rien à voir, assurément, avec celle d’un billet retour de déduction d’impôt à 66% (avec petit privilège de VIP et ‘indulgence’) ! En 1920, tout cela était-il nécessaire pour motiver un vrai don pour l’art ? Il est certain que Courbet représentait un élan utopique de la constitution des mentalités françaises !… Mais il se peut aussi, dans le cas de cette intervention sur Le Courbet, que les contreparties doivent paraître si importantes que nous vivons ici, peut-être, un glissement du sens du don ? Remarquons par exemple que la France est encore le pays du don généreux du sang et des organes au nom d’un partage. Dommage pour l’art qui est lié aux valeurs humaines de la République !
8) C’est à l’occasion de l’exposition 7 ans de réflexion. Dernières acquisitions rendant hommage aux rencontres heureuses de trois dimensions : créativité inouïe des artistes du XIXe ; collectionneurs/donateurs ; et tact de certains conservateurs (en empathie avec les visiteurs, amateurs d’art) ! que j’ai eu la volonté d’intervenir dans la fastueuse Salle des fêtes du M’O… La veille encore j’étais allé goûter cette ‘part ardente de la réalité du monde sensible chez Courbet’ :
« Monsieur le directeur, je vous remercie de m’accorder quelques instants devant le public d’amateurs d’art et de responsables de la politique culturelle du Musée d’Orsay ici présents.
Je m’appelle Etienne Trouvers et m’adresse à vous en tant qu’artiste visuel, peintre et donateur.
Mon aïeule, Henriette Grandjean (1887-1968) a été pionnière dans le Style sapin, à La Chaux-de-Fonds, en Suisse ; j’ai été honoré lorsque Monsieur Philippe Thiébaut a bien voulu faire accueil à son talent d’artiste de l’Art nouveau. Elle est la première femme suisse au musée d’Orsay.
En 1992, en tant qu’artiste, je me suis senti le devoir de fonder avec Jean Bazaine et un comité prestigieux de plus d’une centaine de personnalités dont : Rémy Aron. Balthus. Paul Baudiquey. James Bayle. Jean Bazaine. Princesse Laure de Beauvau-Craon. James Beck. René Belletto. Alain Besançon. Alain Blondel. James Bloedé. Yves Bonnefoy. Jacques Bony. Alain Bosquet. Maurice Breschand. Robert Bresson. Pierre Bulloz. Pierre Cabanne. Elisabeth Caillet. Jean Cardot. Pierre Carron. Edmonde Charles Roux. Christo et Jeanne-Claude. Louis Clayeux. Julien Clay. André Comte-Sponville. Alessandro Conti. Jean Courthial. Leonardo Cremonini. Jean Dasté. Christine de Guerville. Catherine de Seynes. Michel Deguy. Jean Delannoy. Jean Desailly. Deverne. André du Bouchet. Georges Duby. Jacques Dupin. Henri Dutilleux. Jean Dutourd. Georg Eisler. Jean-Michel Folon. Georges Formentelli. Marc Fumaroli. Julien Gracq. André Green. Jean-Pierre Greff. Simone Gröger. Luigi Guardigli. Carlo Guarienti. André Heinrich. Jean- François Jaeger. Georges Jeanclos. Jacques Kerchache. Pierre Klossowski. François Lallier. Marc Le Bot. Pierre Le Cacheux. Philippe Leburgue. Jean Leyris. Pierre Leyris. Gérard Macé. Daniel Marchesseau. Raymond Mason. Gregory Masurowski. François Mathey. Yehudi Menuhin. Judith Miller. Philippe Noiret. Maurice Novarina. Clémentine Odier. Olivier O. Olivier. Geneviève Picon. Christian Pouillon. Henri Raynal. Maurice Rheims. Marc Riboud. Paul Ricoeur. Claude Roy. Charles Sacchi. André Sarcq. Toti Scialoja. Claude Simon. Marcel Siret. Pierre Skira. Gustave de Staël. Sam Szafran. Lap Szé-to. Jean Tardieu. Jacques Tiné. Jean-Max Toubeau. Etienne Trouvers. Paolo Vallorz. Xavier Valls. Vieira da Silva. Jean-Noël Vuarnet. Guy Weelen. Zao Wou Ki. Fred Zeller... l’Association pour le Respect de l’Intégrité du Patrimoine Artistique, dite l’ARIPA.
Personnalités qui, après d’infructueuses tentatives de dialogue au sujet de la restauration en public des Noces de Cana au musée du Louvre, se sont réunies sur un texte d’appel intitulé Le patrimoine dévoyé ? Or cet appel demeure d’actualité au regard de l’avis de participation lancé par le Musée d’Orsay à la restauration « en plein cœur du musée d’Orsay » de L’Atelier du peintre de Gustave Courbet.
Je me souviens avoir posé publiquement cette question à Gaëtan Picon : « Monsieur le professeur, à qui appartiennent les œuvres d’art des musées ? ». Sa réponse fut lapidaire : « A ceux qui les regardent ! »
Je suis allé voir ce qu’il en était dans la très belle salle Courbet voulue par Monsieur Guy Cogeval. Dans cet éclairage et avec les murs teintés en violet-aubergine-sourd, le tableau de 22 m2 acquis par une souscription publique en 1920 a certes gagné en visibilité… Il ne pouvait en être autrement puisqu’ il a été victime de deux sur-vernissages successifs au musée du Louvre.
En juin 1984, dans des conditions inadmissibles pour sa conservation, la texture du travail ‘du plus peintre des peintres’ a été noyée dans un magma de résine, de crasse, de poussières, d’embus et de coulures…
En mars 1985, il y a eu reprise avec d’autres couches superposées de vernis ; le tableau en est sorti brillant comme un sou neuf. Le Résumé des interventions depuis 1934 signale qu’en « 1989, un examen de l’œuvre mettant en évidence une fragilité dans l’adhérence ne nécessitant pas pour autant une intervention d’urgence mais signalant des godets sur la toile (par exemple, visible encore ci-dessus) et préconisant une retension de la toile ». Or pour aplanir les coulures ‘laissées’ (et sèches), n’ai-je pas vu l’ouvrier ‘restaurateur’ tentant d’atténuer les choses au moyen d’un instrument exerçant une pression, à chaud, sur la face peinte de la toile, à travers des morceaux de feuilles de plastique (?). Se peut-il que cette sorte de bricolage dans les salles, en public, ait fragilisé encore l’adhérence de la couche picturale au support ?
Aujourd’hui, j’ai le regret d’informer les personnes décisionnaires et le public des visiteurs que, déjà les ‘fenêtres d’allègement’ ouvertes jusqu’à la texture picturale sur la robe rose au sol (donc au centre, dans le colorant de l’œuvre et le foyer chromatique du tableau) peuvent être fatales ! Conforme à l’esprit du temps, elles semblent davantage destinées à séduire le visiteur pressé de consommer, plutôt que celui animé par le désir et le scrupule de véritablement regarder.
A mon passage du dimanche 30 novembre, j’ai eu l’extrême déplaisir de constater que de nouvelles fenêtres d’expérience ont été commises par le C2RMF, sous prétexte de scientificité. Sur le tableau de L’Atelier du peintre de Courbet, elles font singulièrement penser à un tableau de digicode de 8 à 10 étages de nos immeubles urbains. – Bonjour Monsieur Courbet, ouvrez la porte !
« Je suppose que le tableau est verni : c’est là le plus grand inconvénient. S’il faut le dévernir pour le retoucher, à mes yeux c’est un tableau déshonoré. On regarde un dévernissage comme une chose légère : c’est le plus grand inconvénient ; je préfère bien un trou dans un tableau. » Eugène Delacroix
On peut estimer un certain allègement des vernis successifs raisonnable. Mais si cette intervention se poursuit sur des concepts aussi peu picturaux que celui de la « lisibilité » en s’attaquant au métier complexe qui comprend forcément des « jus colorés » dans l’art pictural de Courbet, elle illustrera dramatiquement l’angoisse d’Auguste Rodin, et de nombre d’autres artistes et amateurs d’art après lui : « Encore quelques années de ce traitement du passé par le présent meurtrier, et notre deuil sera complet et irrémédiable. »
9) L’Atelier du peintre, ‘allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique, et morale’ (titre complet du vaste tableau par Courbet) !
Admettons que « La restauration soit pilotée par un Comité Scientifique composé d'Experts (…), conservateurs du patrimoine, restaurateurs ». En principe, cet organisme est ‘pluridisciplinaire’ et se doit d’être équilibré dans sa composition vu l’enjeu. Même par de tous ‘petits détails’ (souvent définitifs), lorsqu’il s’agit de statuer en terme de pouvoir sur le sort esthétique des œuvres d’art, nous sommes dans le fondamental et le patrimonial artistique. Or quelles sont les familles d’esprit qui devraient être représentées ?
La maintenance des collections ; l’érudition historique ; les praticiens restaurateurs ; les chercheurs en sciences dures pour leur complément technique ; et les impératifs financiers de l’administration muséale. Et, naturellement au comité, pour équilibrer tant de données plus ou moins abstraites qui opèrent, on s’attend à trouver à équivalence de qualité, quelques grand collectionneurs indépendants et gens de goût ; mais aussi pour le complément de compétence vécue de la création, de sensibilité et d’intuition, des artistes visuels.
Or, dans les années quatre-vingt, en interrogeant des restaurateurs, et en insistant beaucoup… je fus informé « qu’en remplacement du peintre André Masson, un abstrait avait été nommé ; mais qu’il était vieux et ne venait jamais aux commissions. » Ils en déduisaient donc que la question de la pérennité des œuvres anciennes de notre patrimoine n’intéressait nullement les artistes vivants.
Quel ne fut pas mon étonnement de découvrir incidemment que le peintre nommé et absent était Jean Bazaine, le co-fondateur de l’ADVF (l’Association pour la Défense des Vitraux Français) en 1976 !
La rencontre de BAZAINE me fut facile, tant la probité de l’homme était grande. J’appris alors que Jean Bazaine, seul peintre nommé, avait démissionné en 1975, car « son utilité au ‘Comité scientifique’ lui paraissait pour diverses raisons (modes de concertation, rapports de forces) parfaitement illusoire ».
Bizarrement, sa démission, toute en protestation diplomatique, avait été ‘égarée’ par l’administration… Grâce à sa considération, commença un travail de Titan : réunir tout ce qui pouvait compter comme conscience esthétique vivante et de diverses disciplines artistiques et familles d’esprit afin de témoigner pour l’honneur des œuvres et de la profession, faute de moyens juridiques d’action.
On se reportera utilement à l’ensemble de révélations et d’observations consignées dans les numéros de ce combat mené pour l’honneur : « CHRONIQUE D’UN SACCAGE, La restauration en question », éd. Ivrea, 1999.
10) Le conseil scientifique du C2RMF qui vient de « statuer sur la pertinence et la nécessité ou non d’une éventuelle intervention ainsi que sur sa faisabilité », est composé depuis janvier 2013 de sept membres de droit et de onze personnalités qualifiées nommées pour cinq ans.
« On ne ressuscite pas un tableau, et moins encore une statue. On les laisse en paix et on les défend contre les hordes de vandales – dont il se pourrait bien que l’on fasse soi-même partie. » Joseph Brodsky
Dans l’idée d’y comprendre quelque chose j’ai demandé l’accès au tableau avant que les travaux effectifs ne rendent la chose irrémédiable, et attends toujours une réponse de la conservation du musée d’Orsay. J’ai aussi alerté mes pairs puisqu’il paraît évident que nous sommes aussi le public concerné par le sort des grands peintres dont nous sommes héritiers.
Mais côté musée, on conserve évidemment les même recettes à l’égard d’autrui : là où il y a évidemment matérialité du pictural, on va vous expliciter « Les dessous de… » (par vidéo et en mots !) ; là où il y a mystère du visible – peinture/ couleur/dessin –, on met des radiographies comme merveilleuses ! (s’autorisant ainsi une mise à nu des tableaux !) ; là où il y a respect et admiration de la création artistique d’individus supérieurs, on communique pour le prestige et ses pairs, et essentiellement aux journalistes spécialisés, qui devront… Mais on ne répond que contraint par la CADA au devoir administratif de transparence (en France, en démocratie !).
En septembre 1992, nous lancions avec l’appui actif de Jean BAZAINE un texte d’appel : LE PATRIMOINE DEVOYE ? Avec l’accord du directeur des Musées de France d’alors, une association compétente allait pouvoir proposer une suppléance à la présence de Jean Bazaine en Commission.... Mais il semble aujourd’hui encore que le M’O préfère, aux artistes vigilants et aux personnalités d’intelligence sensible et critique, être entouré d’ambassadeurs partenaires ou d’étudiants issus de formation en communication et marketing ; une liste de 25 noms d’entités à logo, dressée par le musée aux côtés du Courbet pour cette opération, en fait foi… (VIP, peut-être ici dans une idée relativement spéculative ?).
A présent au musée, est-ce la communication qui doit donner le : la et la force des choses ? On remarquera d’abord que ce sont les restaurations précédentes et les transports événementiels récents du chef-d’œuvre qui ont fragilisé la peinture (après le rentoilage de 1934), d’où une ‘nécessité’ toujours plus fréquente de nouvelles interventions à la suite du ‘vernissage total’ de 1977 dans les salles Mollien du musée du Louvre. Témoin à l’époque où je menais des copies d’étude, les trois interventions de 1984, 1985 et 1986 m’ont laissé plus que perplexe !...
Aujourd’hui dans la vidéo en ligne, la conservation du musée d’Orsay incrimine ainsi : ce tableau monumental a été « conservé roulé dans l’atelier de Courbet, mais il a été déroulé, re-enroulé à plusieurs reprises car il a été exposé à Bordeaux, puis à Vienne en Autriche. (…). Et les restaurations successives vont en améliorer l’état mais aussi créer une sorte de dégradation de la lisibilité de ce tableau en raison des couches successives qui se sont superposées. »
Est-ce pour gagner « en lisibilité » ou en ‘visibilité’ ? – Concept de lecture rapide, mais impropre à la lecture délectable ! Et à la conservation des facultés des regardeurs !
Sous couvert d’un dossier scientifique du C2RMF, sur cet Atelier du peintre, se dirige-t-on à présent vers une ‘visibilité’, « aventure exceptionnelle et novatrice », mais pour la ‘com’ du M’O ?
Car si cette ‘restauration’ se poursuit, non en allégement modéré des vernis récents, mais en dévernissage – comme le laisse nettement percevoir certaines des fenêtres effectuées dans la peinture – ce sera forcément réduire le chef-d’œuvre… à l’image appauvrie que certains s’en font ; et assurément ce serait encore ici un ‘pictocide’. – Et quel amateur d’art ou donateur averti peut y consentir ?
Grâce à l’esprit ‘contemporain’ des dernières FIAC (Foire internationale d’art contemporain), qui n’a vu quelques installations, pièces ou objets ironiques sur Paris
– provocations petites et grandes ?
Pour la troisième édition – Place Vendôme (1er) – du Hors les murs, c’est un fait stratégique à controverse majeure… Fait de non accomplissement exemplaire en art contemporain, encore l’une des recettes façon Marcel Duchamp – à la sauce machin et Cie. – Une installation éphémère venue des USA… et qui se devait d’être contestée par une polémique : en tant qu’expérience fictive d’existence et de rejet ?… Mais assurément du-dé-gonflable !
Une ‘pièce’ (c’est sidérant), qui a vu bien plus que la Ministre de la Culture (sur son compte Twitter), l’Elysée se sentir un devoir de prendre nommément position pour l’artiste. Confer le discours brillant et chaleureux de François Hollande, Président de la République, à l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton (le 20 octobre 2014) !
Cet événement bien défendu par un calendrier astucieux de communication, et couvert aussi par les propos des plus hautes autorités (souvent en des termes plus que diplomatiques !), représente tout de même ici un luxe de fourberies, comme nous allons le voir…
Reprenons les faits démontrables :
Dès samedi 18 oct. 2014, démontage du ‘caoutchouc vert’, après deux jours d’existence concrète et de polémiques ‘naturelles’ ; puis, lundi 21 au soir, les plots de béton, nécessaires à son ancrage, sont retirés (cf. visuel ci-après), et le cocktail des VIP prévu sur place est annulé ; ce, à deux jours du vernissage officiel des Foires d’art moderne et contemporain ! Tous les mécanismes et ressorts de la frustration sont posés. Etrange ou bizarre ?
Ou plus esthétiquement parlant :
Avant tout, l’objet de cette installation ‘légère’ dans le genre parodique : « The Tree » (sapin gonflable d’un vert grotesque, en forme molle équivoque) n’était-il pas d’une mocheté artistique vraiment repoussante sur cette Place ?
Et je forge l’hypothèse que la ‘pièce’ en un autre lieu de cette FIAC Hors les murs n’aurait engendré qu’un petit ‘ bof ’ (sans lendemain) parmi d’autres installations présentées : au Jardin des Tuileries (1er) ; le long des Berges de Seine (7ème) ; ou au Jardin des Plantes (5ème).
Même outré en chromie… ce sex toy à scandale aurait fait grise mine dans de tels lieux – tant la nature d’automne dans sa diversité de verts lui est, oh combien supérieure ! ».
S’ajoute à cela, une ‘subjectivité’ d’artiste visuel, peintre :
J’imagine encore dans les yeux d’Etienne Martin, de Georges Jeanclos-Mossé, etc. – mes formidables Patrons d’atelier sculpture à l’ENSB-A (Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris) – ce qu’ils auraient pu en dire, eux qui n’avaient pas d’Age contemporain en leur démarche innovante et de toujours ! Peut-être avant tout des remarques optiques de métier :
– « En fait, ce dit ‘Sapin’ n’a aucun effet de visibilité véritable… surtout ainsi cousu de fil blanc (ou vert) ! ; Putain, comme dirait César, pas de bon contraste futé pour cette pièce là ; c’est minable pour un artiste des USA, n’est-ce pas ? – Ce bidule équivoque, mais il le faudrait suspendu, comme en lévitation… Ce machin, à quelques mètres du sol, vous imaginez ça !... Là, il aurait effectivement une certaine gueule, du talent…
– « Voyez plutôt l’Obélisque de la Concorde ! La colonne Vendôme !! La Tour Eiffel !!! La Montparnasse, etc. Quelle puissance de pénétration dans les cieux ! Et les arches... (du Carrousel) La pyramide du Louvre (avec toutes ses coulisses incroyables à pénétrer plus ou moins sensuellement). En voilà des volumes conçus amoureusement, métaphysiquement pour Paris ; optiquement déjà, c’est autre chose que de la chique du genre petit cœur ‘en Chocolate’ !
Et d’un point de vue des convenances… que n’auraient-ils pas dit :
– « Et voilà que l’on vient internationalement ricaner de Paris et se revendiquer de Marcel Duchamp ! Qu’un regroupement de puritains, dit : Le Printemps français (de mouvance Catholique traditionaliste) joue aux ‘puristes’, c’est bien, ils sont dans leur rôle naturel ici en montant aux créneaux… Et si ça n’avait pas été, l’artiste et sa galerie auraient été déçus. Ils auraient dû faire encore pire pour la démonstration.
– Mais, depuis Voltaire, Sade, Rétif, ou encore plus proche de nous les œuvres libertines de Bernard Noël, vous croyez que l’âme française a des leçons à recevoir en la matière ? – Même et surtout pour choquer, pour bousculer. »
Mais, quoiqu’il en soit – c’est l’essentiel – notons que cet artiste de la FIAC 2014 a eu « carte blanche » pour choisir son œuvre et son lieu stratégique d’appropriation, en place Vendôme, seul dans un écrin ! Et quel honneur ineffable… malgré toutes les diverses bâches d’échafaudages ici présentes – de visionner son ‘Plug anal’ (de seulement 24 mètres de haut) !
ci-dessus : Couverture de l’emblème impérial français, le temps d’une restauration de la fameuse Colonne Vendôme de 44,3 de haut ; transformation ou transfiguration en un gigantesque ‘emballage de Champagne’ de grandes marques au label du Ritz-Paris ; installation nécessaire au déroulement pratique des travaux et bien dans ‘le chic’ d’un tel ciel d’automne, comme pour une redécouverte… (celle d’un grand millésime assez singulier en ce lundi d’octobre ?).
Un Comité Vendôme existe. Faut-il imaginer que le sommet du goût à la française de certains riverains – en principe consentants et faisant confiance sur l’adéquation du choix de la pièce installée par le festif de la FIAC – n’ait pas été chatouillé ? J’en veux pour preuve la réponse à décoder de Bruno Julliard, premier adjoint au Maire, chargé de la Culture, qui assure opportunément au gratuit 20Minutes : – « Nous n’avons fait qu’autoriser son installation dans l’espace public. La Mairie n’a choisi ni l’artiste ni l’œuvre, (…) ».
Fin d’une communication ‘coquine’ et… faite art d’un sapin gonflable « The Tree » ; cliché réalisé sur fond de grues d’un Palace parisien en réfection. Ici, un puissant élévateur et deux camions de convois prioritaires sont sur place. Et pas moins de quatre personnes en casque de chantier, plus une responsable pour soustraire, au final, les derniers éléments béton de l’installation légère. Une opération fictive où l’on ne s’est rien refusé ?
Financée par la galerie et la FIAC (dans l’espoir de retours sur investissement considérables) « la Mairie de Paris n’a pas dépensé un euro ni pour le montage ni pour la surveillance de cette œuvre Place Vendôme ».
Par extension des idées de l’inventeur du ready-made (1913-1915) revoici, paraît-il, des retournements d’objets-faits et provocateurs.– « Bien sûr que cette œuvre est polémique » et Jennifer Flay, directrice artistique de la Foire (depuis 2003), de poursuivre, l’objet « joue sur l’ambiguïté entre un arbre de Noël et un plug : ce n’est ni une surprise ni un secret. Mais il n’y a aucune offense au public, et suffisamment d’ambiguïté pour ne pas troubler les enfants. Cette œuvre a d’ailleurs reçu toutes les autorisations nécessaires (…) ».
Mais, comment ne pas voir que, cent ans après Duchamp, les nécessités de l’hyper modernité en conflit ouvert avec les traditions ‘rétrogrades’ ou ‘conservatrices’ ont considérablement changé…
Certes, la démarche expérimentale – originellement festive – d’un Marcel Duchamp (1887-1968) faisait partie d’une mise en crise logique du capitalisme libéral et de son programme détonnant d’individuation collective à l’échelle mondiale (prédation/aliénation). Et après !?
Avec les installations dites ‘minimales’ nous ne sommes plus au ‘bel artisanat’, c’est-à-dire dans l’exigence du bien fait, duBeau, du juste (chose méritoire et admirable), mais dans le genre du – faire le plus d’effet possible avec le moins d’énergie objective dépensée… (Or ici que d’énergie en termes de ‘trace carbone’ pour cette pièce à la Place Vendôme !).
Avec sa promotion manifestement planifiée, comme nous le voyons aujourd’hui, l’infrastructure matérielle et la Com ont mis les moyens… Ceci peut toujours faire illusion un certain temps (surtout dans une société où tout va très vite !). Mais observons que l’épisode du sapin gonflable/dégonflable suivi de déclarations des autorités, et même d’une incise personnalisée de François Hollande : – « La France sera toujours aux côtés des artistes comme je le suis aux côtés de Paul McCarthy, qui a été finalement souillé dans son œuvre, quel que soit le regard que l'on pouvait porter sur elle » paraît être grave, importante, un emblème… Et ne fait pas rire du tout !
Sur de telles pièces conçues il y a cent ans et plus déjà par l’artiste Marcel Duchamp, « l’homme le plus intelligent du siècle » (selon André Breton au début du XXème), crées avant tout avec un humour corrosif (Dada) du « genre blague d’étudiant » (me disait Raymond Mason, en témoin), il en allait tout autrement… – Des objets fictifs étaient détournés, retournés pour l’effet !, donc essentiellement conceptualisés pour provoquer de l’hilarité ! Et, avant tout il en allait d'une question de ‘regard cultivé’... d'une logique du scandale qui était fondamentalement réservée non à des choses (sans qualité), mais bien aux œuvres d’art... (incarnation des débats de l’esprit ?).
Or ici, au côté d'un gigantesque ‘emballage de Champagne’ de grandes marques faisant de l'ombre, objectivement, n’étions-nous pas dans une futilité insoutenable ? Les images virtuelles de l’installation qui ont paru dans la presse (cf. Journal des Arts du 17 octobre) et circulent encore sur le Net, sont inexactes quant à la force de la matérialisation concrète.
Par ailleurs, qui ne dirait en observant avec quelques approches « réalistes », par exemple en terme de ‘développement durable’, que les enjeux fondamentaux ont changé ? Et que les modèles de pensées de l’art contemporain se révèlent ici en obsolescence naturelle ?
Depuis la modernité, siècle après siècle, génération après génération, les artistes visuels remettent en cause les mentalités pour leur manque d’authenticité vécue. Or nous sommes ici sur la Place Vendôme. Allons encore plus loin, jusqu’à l’ardeur première et révolutionnaire d’un Gustave Courbet en ce même lieu et place !
La Ville de Paris et le Comité Vendôme ont reconstitué autour du quadrilatère (en restauration) une illustration éloquente des événements qui vont, de l’idée lancée par Courbet – le plus peintre des peintres – à la chute de la Colonne lors de La Commune de Paris (en 1871). Socle d’une autre authenticité que celle de la démarche ‘légère’ du gonflement/ dégonflement d’une installation d’art contemporain ?!
Il est tout à fait remarquable – dans le cas de cet artiste américain (acteur qui occulte tout autre par son 'duchampisme' !) – qu’on mette en avant, suspendu, et comme en lévitation par la Com 2014, non son ‘machin vert’ (obscène ?), mais son ‘martyr’ manifestement monté en épingle !...
Le consistoire de la FIAC est à la manœuvre... Par exemple, il est écrit sur Free actualité : « L'agression de Paul McCarthy, puis la destruction de son œuvre (…) ». Alors qu'ailleurs, on sait parfaitement qu'il n'y a eu que : le fait de couper le fil électrique d'alimentation de la soufflerie du machin... Dans le journal Le Monde (du 17 oct. 2014), sous la plume de Emmanuelle Jardonnet, la version ‘vraie’ est déjà plus objective.
Toutefois, sous « PARIS HUMILIÉ ! » on peut lire ceci : « Il est alors presque 14 heures, et Paul McCarthy est agressé par un homme qui le frappe trois fois au visage en hurlant qu’il n’est pas français et que son œuvre n’a rien à faire sur cette place, avant de partir en courant. Les personnes qui assistent à la scène sont sidérées. ‘Cela arrive souvent ce genre de chose en France… ?’ nous demande l’artiste, choqué et déstabilisé… »
Mais, en l’occurrence, une affirmation de non violence présente est soulignée. Jennifer Flay en témoigne ainsi :
« C’est navrant que quiconque se permette d’agresser un artiste. Moi qui suis Néo-Zélandaise et Française, qui ai choisi ce pays, je suis gênée pour la France, même si je sais qu’elle n’incarne pas les idées de cette personne ». Et plus tard, dans un communiqué (diffusé en fin de journée du samedi 25 octobre) : «Devant la violence de certaines réactions, l’artiste s’inquiète de potentiels débordements lors du remontage de l’œuvre ».
Habilement sans doute, il n’est pas fait mention d’un dépôt de ‘plainte contreX’ ( ! ). « Paul McCarthy indique ne pas vouloir ‘être mêlé à ce type de confrontation et à la violence physique’ ou même continuer à faire prendre des risques à cette œuvre».
Dans un art où tout, ou presque tout, provient de provocations, d’outrances remarquables, de violence morale ?! revenons sur les réactions ‘dérangées’ dites : « d’une mouvance catholique traditionaliste française ».
Elle est tout aussi inexcusable, certes !
Concepteur/fondateur des gestes minimaux... de l’art de la tautologie qui triomphe à la FIAC (depuis peu), Marcel Duchamp a été fait Pape du XXème artistique (dans la seconde moitié du siècle). – Temps effroyables où partout dans le monde se sont révélées l’émergence, les similitudes, et les confrontations des grands dictateurs innommables !
Par exemple, dans le domaine des Beaux-Arts, voici des propos saillants : « Il faudrait une dictature totale… Une dictature de peintres… La dictature d’un peintre… pour supprimer les objets de tromperie, pour supprimer les habitudes, pour supprimer le charme, pour supprimer l’histoire, pour supprimer un tas de choses encore. Mais le bon sens l’emportera toujours. On devrait surtout faire une révolution contre lui ! » (CAHIERS de L’ART, 1935).
Comment répliquer à Pablo Picasso, le colosse de tels propos, sinon en proclamant une ‘icône’ nouvelle, tel Marcel Duchamp ? D’où cette cohorte d’épigones, de clercs et même 'd'évêques matérialistes' qui s’efforcent de faire perdurer les choses cathodiques, jusqu’à la proclamation annuelle d’un prix Duchamp à la FIAC. Mais dès lors, cette religion centenaire n’est elle pas devenue hégémonique et despotique ?
Il est dit que l’on ricane (depuis l’étranger) à propos de la montée en puissance de l’intolérance, donc d'un extrémisme de la 'manif pour tous' en France ! – Or, qui dit qu’aux USA par exemple, des prêcheurs de mouvance ‘Evangélique’ devant des ‘Sex-Sapins?’ installés sur leur place de l'excellence (devant l'église) ne soutiendraient pas que: Marcel Duchamp, ses évêques et ses successeurs, sont des suppôts de l’Antéchrist… !?
Certes, les intégristes ou les fondamentalistes de tous poils ont le vent en poupe... et menacent le sens critique, donc une certaine conception de la personne humaine (souvent portée par des artistes écorchés tels Gustave Courbet, Cézanne, Van Gogh, etc. !). Mais n’y a-t-il pas la même différence entre le Christ et le christianisme qu’entre Duchamp et le ‘duchampisme’ ?
J’ai appris à aimer Duchamp, comme Courbet et les autres... Mais ceux-ci se reconnaîtraient-ils dans ces installations vulgaires du 'duchampisme' dont le dernier avatar en Place Vendôme est assurément étranger aux ferments de l’authenticité artistique !?
En l’occurrence, l’occasion nous est donnée de parler de ce « grand ballotté de la gloire », Gustave Courbet (1819-1877) ‘le plus peintre des peintres’ ! Imaginons l’exigence de poser le pinceau et s’en prendre à la Colonne Vendôme pour déboulonner l’autorité impériale d’un Napoléon…
A ma connaissance (c'était pourtant circonstancié!) personne, ici, ne semble avoir relevé qu’autour de la fameuse colonne s’est joué l’un des Actes révolutionnaires du socialisme pour lequel Gustave Courbet a payé de sa liberté, de sa santé, avant de s'exiler en Suisse (de 1873 à sa mort).
André Chamson souligne dans son hommage de référence dans LES PEINTRES CÉLÈBRES (éd d’art, Lucien Mazenod, 1948): « Courbet a introduit dans la peinture française, la primauté de la peinture elle-même. (…) c’est-à-dire, la primauté du moyen employé par une volonté créatrice ».
Proclamation officielle sous LaCommune de Paris faisant suite à l’engagement total d’un artiste pour la ‘conservation des musées nationaux et des objets d’art’.
Après un séjour à la prison de Sainte Pélagie (de septembre à décembre 1871), Courbet a vu ses biens saisis pour reconstruire la colonne et meurt à la veille de la première échéance de la dette ‘exigée’ (par la IIIème République) ; néanmoins il a trouvé la force, malgré les procès, de faire émerger de son vécu toujours ardent un ensemble de peintures…
Et c’est cette œuvre qui nous est révélée actuellement au musée Rath à Genève (jusqu’au 4 janvier 2015). La lune froide ne peut éclipser longtemps le soleil de l'Art ! L’exposition est tout à fait magistrale – réunissant plus de soixante-dix toiles crées essentiellement en Suisse – et, dans ma vie, elle est la plus étonnante que j'ai pu goûter.
Après trois bonnes heures je l'ai quittée à regret avec l'intention d'y revenir. Je ne pourrais qu’en parler dans un prochain billet !
Un projet de loi de Finances 2015 au Conseil des ministres (mercredi 1er octobre) par Michel Sapin, et voici que la Ministre de la culture, de la communication et du numérique, Fleur Pellerin, annonce l’ouverture des trois plus grands musées de France « 7jours/7 ». Mesure qui « n’entrera en vigueur qu’après des négociations avec les salariés », précise-t-on. Or, comme un premier ballon d’essai (fin juillet 2014), l’avènement détonnant avait déjà été ébruité par la précédente ministre, Aurélie Filippetti.
Certes, par mission élémentaire du Ministère, la rue de Valois se soucie « d’améliorer l’accueil du public et de renforcer l’accessibilité des œuvres », mais aussi, de mieux gérer les capacités économiques des trois grandes machines du patrimoine français. Car des ‘impératifs’ comptables ont déjà largement escamoté les subventions de l’Etat ces dernières années – au nom de leur statut d’établissements publics à caractère administratif (EPA) qui leur confère une certaine autonomie financière. Par exemple, en 2013, le musée d’Orsay s’est autofinancé à hauteur de 35,71M€ ; les subventions de fonctionnement reçus étant de 28M€. Or, selon le projet, les 52 jours d’ouverture supplémentaire émargeront aux budgets des recettes propres des établissements…
Par là même, à l’annonce de ces futurs 362 jours d’ouverture par an pour : Le Louvre, Versailles, et Orsay, tous les médias se sont appuyés sur des chiffres record d’entrée ; proclamation d’une reconquête des hauts lieux patrimoniaux, principalement par le tourisme, respectivement à : 9,2 millions, 7 millions et 3,5 millions de visiteurs en 2013. Données chiffrées générales… – et vraie expression d’un quantitatif !
Socle d’un certain succès officiel au musée ? L’inéluctable de la ‘société du spectacle’ fut mise en place (besoin démocratique dans la ligne de François Mitterrand ?) ; en fait, spectacularisation qui s’est renforcée selon l’idée a priori pertinente de Jacques Sallois, Directeur des musées de France sous Jacques Lang (de 1990 à 1994), « d’un gisement culturel à exploiter »!
Tout jeune peintre et dessinateur, étudiant devant les œuvres, j’ai vécu de l’intérieur, avec espoir, naïvement même, l’époque de la construction de la Pyramide du Louvre…
Chacun constatait le phénomène des files d’attente de la cour Napoléon qui se répercutaient parfois jusque dans les salles d’exposition du Louvre.
C’est alors que les fonctionnaires d’autorité de l’administration se soucièrent de la ‘fluidité du trafic’ comme étant l’élément prioritaire au musée. Les regardeurs, les contemplateurs ou les copistes ‘stationnant’ dans les salles furent alors considérés tels des perturbateurs dans les flux nouveaux, voire même – en éléments dangereuxpour la sauvegarde des œuvres !…
Mais, avec un peu plus de mise en perspective sur l’histoire… ou de reconnaissance… n’étions-nous plus ou pas, au musée du Louvre, au domaine superbe du qualitatif ?
Regard sur le pavillon Richelieu, ancienne entrée du Ministère des Finances ‘avant’ la Pyramide du musée du Louvre
Admettons que la remise en cause du traditionnel jour de fermeture dans les trois plus grands établissements du patrimoine français s’inscrive dans la volonté actuelle d’une meilleure articulation temporelle entre quantitatif et qualitatif ; mais à présent, question subsidiaire : à quelle fin véritable ce projet de réforme ? Temps d’ouverture par pensée comptable, loisir, ou mission ?
« Rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité… » est l’essentiel ; et l’une des vocations encore principales d’un Ministère de la Culture !
Or voici que le ‘diamant de lumière’ de la pyramide de Pei, voulue avec opiniâtreté par un Président socialiste, fait figure de petite carte postale lorsque les files d’attente de la gratuité des premiers dimanches du mois, par exemple, stagnent – comme un boa processionnaire – de St Germain L’Auxerrois… à La Joconde…
Sur de tels records de fréquentation, comment ne pas s’interroger autrement qu’en terme de fluidité du trafic… donc aussi selon tous les ‘etc.’ (approche plus complexe) ? Donc, en termes de plus large, plus long et plus haut des diverses sécurités ; c’est-à-dire selon l’impératif de la bonne transmission d’un patrimoine artistique (qui est résistance fragile à l’usure du monde). D’abord par précaution pour les œuvres ; ensuite pour les qualités du bien-être sensible :
l’Art et son écrin de conservation (lieu d’éveil par résonance) qui requière plus que les lois du marché et de la consommation : respect, courtoisie et civilité, temps de partage – principes même des nécessités du gardiennage…
Pour un bon usage des choses et des êtres, toute civilisation ou culture humaine se doit, vis-à-vis de l’Art, à une approche respectueuse de la rareté dont il est par nature constitutif.
J’affirme que les besoins d’accessibilité actuelle sont déjà louches… (Ce sera le développement d’un prochain billet du blog.)
Il faut « désengorger » dit-on ! Vous voyez bien que ça se fait à l’étranger !
Or, quoiqu’il en soit, démocratiquement ou pas, pourquoi ouvrir au delà des possibles ; ne serait-ce pas « tuer la poule aux œufs d’or » ?
Peut-être parle-t-on d’ouvertures supplémentaires dans une logique de Marché ? Comme si la temporalité particulière de la transmission des affaires culturelles se devait à nos pratiques touristiques…
Observons donc avec quelle ‘innocence’ les fameuses ruées vers l’art ont été martelées au musée (!)