C’est le merveilleux absolu, l’exceptionnel ! Au cœur même du musée du Louvre (jusqu’au 25 juin 2012 – côté Sully, 1er étage), une exposition d’enluminures présente en 47 feuillets (et d’autres petits chefs-d’œuvre...) l’un des plus haut niveau de perfection et d’inventivité du début du XVe siècle français.
Des visions réalisées avec force lumière, mais sans ombre portée... ; des principes de dégradés inouïs, dans une technique quasi magique avant l’usage de la peinture à l’huile... ; des propriétés d’un raffinement de couleurs si vaste et si ultime... ; une somme de conceptions chromatiques des plus fines... ; des compositions sacrées qui ont été découvertes par les frères Limbourg pour le bonheur et l’esprit du Duc de Berry !
Toutes choses présentées à nos yeux, mais pour peu de temps encore... Miniatures des Cloisters, département médiéval du Metropolitan Museum of Art de New York, à voir et à revoir avant leur remontage dans leur reliure.
Commissaire(s) : Hélène Grollemund, chargée d'exposition, et Pascal Torres, conservateur de la collection Edmond de Rothshild, au département des Arts graphiques, musée du Louvre.
Assurément, ce CPE (chiffre, patrimoine et évènementiel) est une conjugaison déterminante : – un ensemble de mots clés actuels... idéal pour dévoyer le patrimoine artistique !?
Voyez plutôt le sort du musée Picasso, entre autres exemples présents sous nos yeux. Il fut : Musée d’une superbe réussite (ayant ouvert ses portes en 1985) ; symbiose de l’Hôtel Salé et d’une Œuvre artistique troublante... Mais, 'coquin de sort' ! Malheur m’en a pris d’y faire le tour à l’occasion de « NOMADE2012, Aux sources de la création dans le Haut Marais ».
Au prétexte de « mise aux normes » pour des ambitions à 800 000 visiteurs, voire un million, l’Hôtel Salé sera, effectivement... feu le musée des amis de Pablo et des amateurs de Picasso ! Et après la visite des grues et élévateurs... – le cap présent est pour le printemps... voire l’automne 2013... ?
Des Conservateurs d’une autre génération – gens de goût témoin de l’époque de Pablo Picasso – avaient su incarner à Paris après la disparition de l’Artiste en 1973, une pensée terrible en un musée vrai... (Lieu d’audience d’un patrimoine favorisant la création et l'esprit) ! Et, n’était-ce pas la perfection esthétique du genre ? Bel exemple à la suite d’une dation réussie (invention de Louis Gabriel Clayeux) ! En fait, au lieu d’une course poursuite qui se chiffre maintenant à hauteur de 54 millions d’euros, combien n’aurait-il pas été plus juste de classer le travail architectural de Roland Simounet ? Cœur d’une rencontre des œuvres de Picasso bien complétée par celles de Diego Giacometti et selon l’esprit muséographique de Dominique Bozo.... ! Il me faudrait y revenir dans un futur billet pour bien poser la question hallucinante du développement durable en art.
Car, pour l’avenir et la conservation de notre Patrimoine culturel, de quel droit ne pas se contenter de 50 000 visiteurs dont 65% d’étrangers, pour ces 5 000 œuvres de l’artiste ?
Ne peut-on s’interroger légitimement, ou mieux, sur les possibilités futures, et selon une articulation : qualitatif/quantitatif au sein même du ministère de la Culture ?
Question vive : – Faut-il rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre – ou – au plus grand nombre possible ?
Comme 51,68% des français, je devais être heureux ce 6 mai. C’est la fête dans la nuit ! L’espoir du Changement est... maintenant, devenu plus fort que l’Avoir. C’est un cri ! ça braille dans les rues (or les oiseaux ne chantent qu’à l’harmonie du matin !). A la place de la Bastille : une Clameur... alors que demeure, médiatisé, le choc des images contre le poids des paroles.
A Tulle, dans son discours, François Hollande propose un changement qui « doit être à la hauteur de la France » et que ses décisions soient essentiellement évaluées selon ces deux critères :
« - Est-ce que j’ai fait avancer la cause de l’égalité ? - Est-ce que j’ai permis à la nouvelle génération de prendre toute sa place au sein de la République ? »
Mais visuellement, à la une de tous les journaux papier comme dans l’ensemble des médias TV de la planète, ce fut aussi : jour de l’usage du drapeau 40/20/40 – ‘rappel image’ de cet héritage lourd et inégalitaire du quinquennat qui s’achève ; tout un emblème en guise d’exemplarité ?!?
Soyons aussi bref que possible : P.S. à mon précédent billet ; est-il encore nécessaire de discourir ? Ici (à gauche) un visuel choc, le couple franco-allemand sur l’Europe ; détail centré sur les drapeaux.
Or, voilà des couleurs allemandes fortes, luisantes et chromatiques. Pour l’imaginaire, trois bandes parfaitement régulières et puissantes sont présentées : noir/rouge/jaune, un drapeau bien en symbiose avec la locutrice. Un état chromatique soulignant aussi l’assise – le jaune du pavillon de l’Allemagne hisse l’or des étoiles européennes verticales... !!! Elément central, le bleu d’azur de l’Europe s’identifie ici avec celui de la représentation française... Optiquement, la petite proportion 20/100 du blanc ‘français’ paraît avoir été taillée selon la dimension de hauteur du visage du président Nicolas Sarkozy ! Aux observateurs d’apprécier l’impact, et le dépassement du rouge français, qui...
N.B. le rapport 33/33/33 des pavillons tricolores européens, entre autre exemple, l’italien, sont toujours à bandes d’égales dimensions, donc : ‘égalitaires’ (quelque soient les exigences de cadrages de la Com TV !).
Peintre, il ne me revient pas de rentrer encore dans les polémiques partisanes. Or c’est la toute première polémique après l’élection du nouveau président de la République : – Des couleurs aperçues place de la Bastille sur tel ou tel drapeau étranger (mais bien sur fond de Marseillaise) ! Ce n’est ni par purisme esthétique, encore moins par nationalisme, ni même par quelques réflexions ésotériques rencontrées sur le net... On ne m’en voudra pas de relever ce mauvais usage : ‘petit péril actuel’ autour de la forme et du sens.
Au fond, voilà un drapeau français devenu ‘étranger’ à ses principes Républicains : drapeau télé inégalitaire (privilégié à l’Elysée) – alors même que plus de 50 000 drapeaux ‘ordinaires’ étaient agités pour l’orchestration des meetings !
Quoiqu’il en soit, dans le flux spectaculaire actuel, le ressenti de l’apparence est-il symboliquement bien perçu ? Qui en est la cause ? Le fabriquant des drapeaux ; quelques influences présidentielles anciennes ; ou une simple erreur matérielle ? Dès lors, ne peut-on remarquer aussi qu’il y a des images symptomatiques ou emblématiques ; des choses vues au sein d’actes parfois majeurs de représentation... Et de telles mégardes en disent peut-être beaucoup plus long que le plus vaste mot de la langue française : anticonstitutionnellement ?
Dès que l’on dit : bleu/blanc/rouge, cet ordre tricolore évoque la France.
En cette période électorale, où les trois couleurs sont portées et rapportées à nos yeux dans le spectaculaire des médias, ne convient-il pas de porter quelques frais regards sur notre emblème national ? Un drapeau qui est officiellement présent au monde depuis deux siècles.
Formellement, cet ordre chromatique est une figure régulière et dynamique d’une simplicité fondamentale… Le drapeau est protégé par l’article 2 de la Constitution française de 1958 : – L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge à trois bandes verticales d'égales dimensions.
1. Le choix formel
Originellement, les données du Bleu et du Rouge sont celles d’une cité… d’une civilisation et de sa capitale : Paris (couleurs adoptées à la suite de l’épisode révolutionnaire d’Etienne Marcel du 22 février 1358).
L'idée formelle de Jacques-Louis David, peintre régicide en 1793 : « bleu au mât, blanc au centre, et rouge flottant » est adoptée le 15 février 1794 (27 pluviôse an II). Et dans cette disposition verticale le pavillon national tricolore va pouvoir flotter en mer ! La couleur froide, l’élément statique Bleu du drapeau est attachée à la hampe ; l’élément central Blanc s’inscrit dans un rappel souverain à l’identité du drapeau royal ; et le colorant chaud, par sa propriété de Rouge ardent (gueule ou sang), vit en donnée dynamique... comme en avancée dans l’air !
Historiquement, le drapeau tricolore est conçu d’après les cocardes révolutionnaires par l’assemblage de trois éléments bien contrastés pour se reconnaître dans les combats. Les noms fameux de : La Fayette, Danton, Menou (futur général Abdallah Menou), et du marquis de Mirabeau sont évoqués... Et dans l’élan révolutionnaire, le bon ordre du changement de pavillon devint effectif sur les vaisseaux à partir du 20 mai 1794 (1er prairial an II). Or il a fallu le génie de David, et son vécu d’organisateur de fêtes révolutionnaires, pour conférer à des données chromatiques diffuses cette belle disposition verticale, nette, égalitaire et libre de l’esprit.
Ces principes de la sensibilité française recèlent en effet nombre d’exemples, tels ces quatre – Episodes de la Vie de Saint-Louis – (miniature ornant les Grandes Chroniques de France, vers 1375. – BNF Fol. 265). Enluminure où le contraste de complémentarité dit, d’opposition-tempérée : rouge/bleu ou bleu/rouge, fortifié d’un blanc lumineux pour chaque scène, exprime bien l’histoire et la géographie nationale (peut-être, tel un accent naturel... une mentalité... un parfum de couleurs issu du climat d’île de France ?). Il est dès lors manifeste que le concept superbe de David est bien d’avoir su définir une pertinence intemporelle et tricolore en acte officiel « intangible ». Et l’ordonnance esthétique de la peinture est devenue le pavillon consacré à la France depuis 1794, et le drapeau officiel des armées depuis 1812.
Si vous en êtes d’accord, passons à l’observation des forces psychiques et expressives, aux vérités spirituelles et symboliques nées de l’unité française des trois couleurs nationales d'égales dimensions.
Une idée de joie ardente ne se dégage-t-elle pas ici du tableau de Claude Monet ? – 30 juin 1878, rue Montorgueil – ensemble et détail (musée d’Orsay)
Les bannières tricolores sont présentes dans un élan de forces orchestrées par des couleurs conjuguées selon les touches d’un pinceau ; une unité dans la diversité règne. Les drapeaux paraissent aériens sur le ciel ; forts, vibrants même, aux fenêtres de la ville... comme si quelques clameurs s’élevaient pour célébrer l’essor d’une Liberté chérie, c’est la « fête de la Paix et du Travail » !
Remarquons (sur le détail à droite), d’un fourmillement de couleurs similaires quelques touches, écho du ciel, modulent la diversité des bleus... – Jeu de constances et d’exceptions. N’en va-t-il pas de même dans la langue française où règles de conjugaison, grammaire, convenances d’usage ont toujours des particularités plus ou moins complexes qui nourrissent l’attention et l’intelligence ?
Diversité des blancs qui ne figurent pas ‘qu’un Blanc sain’ d’une pureté primaire... – Picturalement les blancs ne sont-il pas, presque toujours, le fait d’accents de mise en avant dans la troisième dimension, de symétries chaud/froid dans la lumière, ou de présentation de reflets ornementaux ?
Alors que le rouge, lui, est ici une force de caractère virile... – peut-être, une force vive et marquante, terne ou plus lumineuse dans l’espace, créant un effet de masses compactes ou d’éclatement.
Observons d’après un véritable exemple générique, l’expression des sentiments de notre drapeau tricolore. Disons le mot : bleu. Mais qu’a-t-on dit, qu’a-t-on nommé si l’on n’y adjoint un adjectif complémentaire ou un nom d’usage associé ? Une telle couleur n’existe pas, même pour les marchands de couleurs. Un adjectif est nécessaire pour forger l’élément de référence utilisable. Il y a peut-être un bleu défini par David ; ou un bleu-roi en usage chez Rubens ; ou encore, un bleu dit marine, celui d’Eugène Delacroix, bien dans l’esprit français...
2. L'âme du Bleu
Comment se fait-il qu’André Malraux, Ministre d’Etat du Général de Gaulle, ait voulu mettre quelque ordonnance et régularité aux qualités plastiques et symboliques de notre drapeau ?
Etait-ce un acte d’autorité ? De résistance pour relever l’honneur bafoué après « une France outragée » ? Ou plutôt le premier geste d’un Ministre pourvu d’une vraie foi active en Art ; une croyance selon laquelle il fallait mettre en accord les grandes œuvres de l’esprit avec les possibilités de la vie quotidienne : « Le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de français ; d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent ».
En parfait fonctionnaire d’obéissance, l’un de ces formidables hussards noirs de la République m’a rapporté l’anecdote suivante : « C’était en 1959... Et quelque chose d’essentiel a soudainement été changé dans ma vie quotidienne d’enseignant présent dans la grande couronne parisienne (mais il en fut de même ‘pour le plus grand nombre possible’ jusque dans la France profonde !). Un beau matin, notre « Manu » arriva avec un nouveau drapeau tricolore. Il reprit donc tous ceux de l’Ecole, ainsi que ceux de la Marie, qui étaient, me semble-t-il, parfois bleu-roi ou bleu primaire. Et l’on nous expliqua que désormais Le Bleu de notre drapeau tricolore serait étalonner sur celui de – La Liberté guidant le peuple – d’Eugène Delacroix ; car le dit drapeau faisait mieux vibrer notre sang ! Et c’est en voulant expliciter ce petit événement aux élèves qu’est né ma vocation pédagogique d’éveil à l’art (plus tard exercée comme PEGC détaché au Musée du Louvre). Ainsi, pour passer le message de la qualité française du drapeau – plus fort en psychologie de l’art – ce fut tout le corpus de mes connaissances en culture générale qui se trouva convoqué ».
« Le bleu du drapeau de la Barricade de Delacroix (musée du Louvre) , si fortement accordé à la Révolution (le bleu n’est pas moins là pour le bleu que le bleu pour le drapeau) exprime tout autre chose que le bleu de Rubens ; mais qui donc savait, eût pu ‘savoir’, qu’un bleu plombé, au-dessus de personnages auxquels Goya n’est pas étranger, pût s’accorder à la mort d’une civilisation parée, à la fraternité retrouvée, à l’espoir ? » André Malraux – La création artistique – éd. Skira, p.164/165
Pour les bâtiments officiels et les moments de fêtes nationales furent choisis ces drapeaux ‘culturels’ – à l’image d’une peinture qui a inspiré l’épisode des barricades de 1848 dans Les Misérables de Victor Hugo.
Même après les événements de 1968, le goût moderniste de Georges Pompidou n’a pas touché au sacré Républicain... Pourquoi ?
A l’époque, la haute tradition culturelle et historique passe plutôt par le fait de bien nommer la logique de nos couleurs vénérables à partir de pratiques novatrices ou scientifiques... Et les drapeaux produits sont repérés : « en nuancier Pantone, Bleu sombre - 282C RVB (0,33,71) ou Rouge vif - 186C (RVB (206,17,38) » donc selon des principes abstraits de références. Puis arriva le plus jeune Président de la Ve République.
Et dès après la photo officielle de J-H. Lartigue en 1974, sous Valéry Giscard d’Estaing – l’homme qui gouverne à partir d’un large centre – le patrimoine symbolique se veut tout autre...
Bon nombre de drapeaux perdent alors l’accent bleu de ‘La marseillaise’ ; cet élan venu des profondeurs de la vie française pour ceux des teintes plus légères du nylon (textile artificiel qui fixait moins que le drap de coton certains colorants complexes !). Ainsi, les drapeaux Giscard sont peut-être accordés au ‘Chant du départ’ (musique souhaitée à l’Elysée !). Un bleu peut-être moins profond culturellement pour ce monde moins franco-français ?
De plus, il est d’effet, voire d’apparence, moins grave pour l’apparition dans les mass médias ; les outils du goût moderne étant, de plus en plus, ceux de la TV couleur, en feuilleton technicolor, cinéma...
Mes visuels : à gauche une photo réalisée sur un ciel de Paris, le drapeau de la France à l’Ecole militaire ; à droite une des visions du ‘drapeau-Giscard’, présent rue de Rivoli... avant les travaux du – Grand Louvre – voulu par François Mitterrand en 1981. Que démontrer de plus ?
Sous les deux présidences de François Mitterrand et de Jacques Chirac une étape de libéralité devient le principal vecteur de nos vies. Par la force des choses, nous vivons dans le circonstanciel et dans le mondialisé... Tout en respectant les convenances de la Constitution française, une certaine déréglementation est devenu un fait d’usage. Par exemple, jour de commémoration sur une seule et même façade de bâtiments officiels, on peut observer ‘du concurrentiel’ bien lisible dans les drapeaux en des couleurs françaises diverses ! Le goût classique de l’unicité esthétique est rompu... Or cette considération n’est-elle pas également emblématique de la mise en situation de l’espace Schengen qui devient, bien visible, jusque dans le couplage des emblèmes européen/français ?
Certes, on préserve un peu la plus grande diversité tricolore du drapeau national, toutefois la dimension colorée flotte... selon des critères internationaux ! (car cette époque conditionne aussi la présentation selon le mariage à la bannière européenne). Avez-vous remarqué que partout dans le domaine de la couleur et de la mode, les spécificités d’apparences sourdes sont ramenées à une certaine luminescence (même dans les musées...) ?
Les propriétés françaises chargées d’un bleu terroir peuvent jouer à « l’exception culturelle » pour essayer de se mettre en avant ‘chromatiquement’. Mais dans les faits, les singularités ne se doivent-elle pas à la norme de la majorité des nations ? Et, dans les années 80-90, combien d’aspects esthétiques, tel ce fameux bleu plombé cher à Malraux – ou les phares jaunes de nos voitures françaises – sont dissous à l’exportation...
Certes, en de certaines circonstances militaires ou diplomatiques, la présentation canonique de drapeaux traditionnels en ‘bleu marine’ demeure. Mais, à présent, que peut-on encore remarquer d’essentiel ? Le Bleu du drapeau tricolore officiel donne de plus en plus souvent l’impression d’infuser le bleu nuit d’azur de l’Union européenne. Par exemple, n’est-ce pas une des évidences de la curieuse photo officielle de Nicolas Sarkozy, en 2007 ?
Curieuse, pourquoi ? Ici le drapeau français rejoint le fait d’usage des navires depuis le Second Empire. Les proportions des couleurs nationales du pavillon français sont alors de : 30/33/37. La bande bleue est légèrement plus étroite que la blanche et celle-ci légèrement plus étroite que la bande rouge. Ainsi, en flottant, les trois bandes paraissent optiquement égales ; ce type de proportions corrigeant l’un des effets chromatiques dans son mouvement en mer...
3. Un parti-pris d'inégalité
Nous voyons donc que cette part du sacré Républicain, d’identité égale, de considération des couleurs françaises du drapeau tient. Il perdure, mais n’est pas intangible. Même bien défini par l’article 2 de la Constitution française de 58, l’élément symbolique évolue, lié à l’autorité du pouvoir, avec son cortège d’usages culturels, de propriétés plastiques, et d’expression relative du sentiment national (qui, aujourd’hui évidemment, compte plus ou moins !) – et tout n’est pas nommé... Or en consultant l’article actuel : drapeau de la France, sur wikipedia je tombe sur ceci :
« On remarque parfois en France, à la télévision, que la bande blanche du drapeau placée derrière un locuteur est nettement plus étroite que les bandes colorées (pendant les allocutions du président de la République, par exemple). Cela est fait pour compenser un cadrage resserré qui ne laisserait autrement voir que du blanc à l'écran ».
L’observation est pertinente, mais à mes yeux la conclusion est assez suspecte ; ce qui me laisse inquiet :
Si l’on se souvient de la photo officielle du Président Giscard d’Estaing sur un vaste fond blanc, l’espace de transparence blanche était assez remarquable... Et dès lors que d’intentions (peut-être subliminales) s’y rencontraient comme pour démontrer les qualités que l’homme se proposait d’incarner pour la France réelle. Après l’élection, et sur cet immense drapeau de la photo officielle, la tonalité Rouge de la complexité des chairs du visage d’une part et, d’autre part, la diversité de Bleus par le costume de ville : – bleu-roi de la noblesse, – bleu-nuit ‘européen’ et jusqu’au noir cérémonial en aplat dans l’épaule, confèrent beaucoup de densité à ce visuel. On se paye même le luxe du bleu-plomb ‘culturel’ par la cravate ! – Or tout ce blanc d’écrin ou d’écran empêche-t-il la lisibilité ?
Au cœur même du drapeau français, avec l’esprit aérien, il arrive aussi que le blanc entretienne une certaine clarté permettant la charge de l’ornementation... Il est à noter par exemple, ‘le blanc à l’écran’ pour le fond des fleurs de lis du roi ; ou les inscriptions 'de l’être' sur les fanions de la République pour les voitures officielles :
On trouvera à la fin de ce billet la référence ; ici le jeu d’attribution par numéro – et emblème – reste ouvert...
L’inégalité : 37,5/25/37,5 (voire : 40/20/40) de trois bandes verticales pour l’usage TV date, ce me semble, du nouvel an 1990 ? Mais, si l’on a pu apercevoir un tel drapeau dans le bureau d’audience à l’Elysée... ce n’était en fait qu’un aperçu fugitif de décor – présenté en toute discrétion – jamais une Affirmation (une tolérance de trucage pour la Com télé) et jamais, au grand jamais, un signe fort d'exhibition !
Les peintres savent avec Johannes Itten que : « les couleurs ont des dimensions et un rayonnement propres ; elle donne aux surfaces d’autres valeurs que les lignes ». Par là même, l’un des merveilleux du drapeau tricolore Bleu, Blanc, Rouge à trois bandes verticales d'égales dimensions tient, précisément, au fait de ses compensations dynamiques diverses : un jeu de pouvoir et d’harmonie !
‘Admettons’ le principe d’un cadrage resserré dans ce drapeau de la présidence pour l’usage du ressenti des téléspectateurs. Voilà qui est déjà mépriser quelques facultés imaginaires chez le public français... ! Mais techniquement, là, vous souriez… ! Car est-ce encore le même type de gestion analogique que dans les années 90 ? A présent, tout est possible grâce aux manipulations en life des vidéos numériques (et ce, d’autant plus sur un fond bleu, support d’isolation/trucage !). Or voici le blanc central du drapeau français – luttant avec la force d’un sujet mouvant, celui de la carrure d’une tête de Président ! A moins que...
Les justifications du : « cela est fait pour compenser un cadrage » renvoie au blog d’un journaliste qui l’aurait ‘découvert au 30 janvier 2012’, grâce à l’impact du direct :
« Alors que François Hollande tenait une conférence de presse à Brest, la salle de presse de la représentation française, au Conseil européen à Bruxelles, attendait Nicolas Sarkozy. Le décor est "presque" le même. Sauf….. un détail dans le blanc du drapeau ! »
Et voilà la question : – Est-ce une nécessité ou un choix ? Un détail anecdotique plutôt amusant... pour les initiés du pouvoir ? Ou cette petitesse est-elle un signe symptomatique d’une inégalité destructrice ?
Conclusions
Certes, il y a eu David, Delacroix, Malraux. Mais ils structuraient la pensée et l’âme française plus par l’idéal que par le cynisme. Puis vint tel ou tel communicant de métier auquel les gouvernants se doivent en totale confiance pour leur devenir politique. Mais le seul mot de coach ne fait-il pas frémir avec sa terrible force docte en pensées conceptuelles ? – A l'Elysée, « on a pris soin de faire un drapeau avec une bande blanche plus étroite...».
Il y avait assurément des leçons à tirer de la photo officielle de 2007 ! Mais là, comment se fait-il qu’une bannière tricolore de : trois bandes verticales d'inégales dimensions soit exhibée hors de son bon usage ; et mise ainsi sur la scène du président candidat ? Car vraiment, quel étrange spectacle au cœur de ces meetings UMP. Il y a ceux qui « n’y voient que du bleu » ! Ce parti-pris d’un emblème tricolore mal conformé étant, ne faudrait-il oser pointer du doigt un élément corollaire : la dimension connexe du rayon du cercle pour le drapeau européen ? Et, tel un enfant, soulevons la question :
– Monsieur, combien y a-t-il d’étoiles d’or sur le bleu-nuit (azur), le bleu international présenté ici par Nicolas Sarkozy ? 12 ou... 11 ou... ? Donc, peut-être un exclu ? Ou l’emblème d’une société défaite ?
En temps de crise le cercle s’est resserré.... à ne compter que quatre étoiles (sans autre amorce d’apparence) !
Or notre bannière d’azur étoilée représentant la solidarité et l’union entre les peuples d’Europe ; en 1981, la Grèce rejoint les Neuf ; et, en 1986, c’est la formation des « Douze » avec l'entrée du Portugal et de l'Espagne. (Les CE adoptent alors le drapeau européen à 12 étoiles pour sa symbolique).
Pour les enjeux politiques de cette élection, quel savoir faire cocardier ; peut-être pas dans l’idée utopique de la perfection européenne, mais... ! Car il s’agit essentiellement de ne pas perdre la singularité d’un privilège et la prééminence du Pouvoir lors des retransmissions couleur dans les médias...
Cependant, observons avec raison, force et intelligence, ce langage de drapeaux tricolores agités en meeting pour occulter ce que relève Gilles Clément, observateur attentif :
– Derrière tant de couleurs : « il s’agit d’une élection à la présidence d’un pays meurtri par une mandature cynique et destructrice de ses propres structures au seul profit d’une caste d’argent ». Devant l’enjeu vital, il est à espérer que l’affirmation plus égalitaire du candidat François Hollande tiendra l’espoir qu’il fait naître : celui d’un nouvel équilibre entre les parties et les couleurs pour un « Changement maintenant ». On me permettra de citer encore le jardinier paysagiste :
« Jamais la France démocratique ne s’est sentie aussi dépourvue de vision sur le futur, aussi désemparée face aux prétendues règles du marché mondialisé et jamais la question de l’écologie n’a été si urgente à mettre en place en tant que projet politique fondateur d’une société nouvelle ».
Sur le motif, en partant des bourgeons de marronniers pour mes dessins à l’atelier, j’ai constaté que les premières feuilles étaient souvent d’un tiers plus menues que l’an précédent...
Cette vision au jour de Pâques du plus fort des marronniers des Tuileries exprime superbement – à la suite de nos quelques maigres pluies printanières – tout ce que l’eau du ciel peut offrir comme espérance.
C’est peut-être l’émergence la plus fantastique des bourgeons printaniers ! Ces jours-ci, avec des fulgurances arides et chétives, après bien trop de douceurs précédant un froid violent, les bourgeons de marronnier se déploient…
Ici, Jean Calvin, tête revisitée d’après les grands réformateurs protestants du Mur des Bastions à Genève, où depuis quelques années déjà, cette conjugaison d’emblèmes de renaissance fondent l’une de mes sources d’inspiration.
Pourquoi suis-je encore à remarquer que l’éclosion des marronniers a quelque chose de splendide, de puissant, de mystique ; de profond, d’élégant, de rigoureux, et de superbement sculptural… ce, à tous les divers stades d’ouverture ? Pour moi, c’est voir et sentir le moment sublime du déploiement de l’être…
L’émergence vitale des marronniers se configure invariablement en mandorle ou cône ; en pousse de symétries axiales /bilatérales, puis à nouveau en mutations bilatérales et axiales… pour qu’enfin s’établisse La bonne répartition des premières feuilles — avant l’apparition de leur grappe de floraison à butiner.
Au troisième stade d’ouverture des marronniers, il y a toujours dans tout ce petit peuple végétal en métamorphose, ceux et celles qui font penser au bourgeon des deux mains de - La Cathédrale de Rodin - (signe de prière à la Vie ?).
Photographiés au Jardin des Tuileries à Paris (les 11 et 12/03/2012), nos marronniers vivent à nouveau les joutes vertes des lumières luisantes du jour. Les revoici, après forces lances dardées, encore moelleux lors de l’ouverture ; devenus chevrons délicats, claviers d’échelons ascendants, ils sont ici promesse de leurs futures ombres sourdes et apaisantes.
Au soir de soleil rouge, dans ces premiers longs jours printaniers, tintent aussi peut-être à nos oreilles quelques traditions de l’« hamani »… (tradition japonaise qui consiste à se livrer à la contemplation des Prunus roses et des Cerisiers blancs) !
Natif de la bonne Ville de Genève, je ne résiste pas à vous livrer une autre tradition d’unisson avec la nature. Ici - L'esprit du marronnier - communiqué de presse du Grand Conseil de la République et Canton… On peut y lire, sous la plume de Marie-Anna Hutter, Sautier (ou Secrétaire générale du Parlement genevois), en date du 13 mars 2012 :
« Le marronnier officiel a sorti sa première feuille le 13 mars 2012. Sur ses branches cohabitent les nouveaux bourgeons, tout luisant de sève, et les bourgeons desséchés, victimes du gel ayant succédé à la météo clémente de cet automne.
« Il est d'autres marronniers qui frappent les esprits. Celui qui, par exemple et par un soir tempétueux de juin, s'abattit sur Ödön von Horváth flânant sur les Champs-Elysées, et mit brutalement fin à l'existence de l'auteur engagé des "Légendes de la forêt viennoise".
« Notre marronnier de la Treille, plus accommodant que ces cousins parisiens, insuffle en ce jour et par la délicate émergence de sa première feuille, son esprit printanier, mettant ainsi un terme aux tempêtes hivernales. »
N'est-ce pas simplement magnifique en tout ? Dans notre monde abstrait fait de distanciation, voire de virtuellement numérique… voilà quelques édiles de Genève qui s'arrêtent de courir (alors que tout les presse !), pour une certaine qualité du Présent, et pour rendre hommage à la Vérité naturelle.
A partir de quoi, journaux et médias helvétiques reprennent en cœur ce merveilleux ‘non événement politique’. — Superbe tradition esthétique d’observation et d’observance à la vie que ce communiqué sur l'embellissent du monde selon l’éclosion nouvelle d’un végétal !
Mais attention, que nous signifie le "Marronnier de la République" lorsque, comme en témoigne ma photographie du 3 novembre (ci-dessous), une série de secondes premières feuilles s’est déployée à l’automne 2011 sur cet arbre de la Treille à Genève ? En tant que référence et calendrier naturel, cette horloge végétale est-elle à 10h10 ?
Le 2 mars 2012, ce « Michel-Ange des mômes » aurait eu 90 ans...
Notre temps a-t-il mal accueilli un Artiste que n’importe qui peut apprécier ?
« Parce que notre époque ignore totalement ce que la sculpture peut contenir, en un siècle, lui-même, qui s’est mis à ignorer ce que la sculpture doit contenir. (…)
– « Une sculpture n’est pas un objet. Elle est un organisme subtil et complexe. Elle a sa vie en soi. Elle n’est pas simple, elle est symphonique. Et il faut un sculpteur pour manier ces rapports multiples de forme. » (lettre à E.T. en date du 29 août 1986)
Lorsqu’un tel Artiste meurt, ce n’est pas qu’une personne singulière qui disparaît ; c’est une part de l’enrichissement qualitatif de l’humanité qui s’amenuise. Toutefois, demeure pour nous une ‘œuvre totale’ utilisant la forme et la couleur avec beaucoup de force… Ces sculptures sont bien plus que des œuvres témoins et narratives !
Au fond, ‘le rouge et le noir’, le flammé de sa pierre tombale au cimetière du Montparnasse qualifie assez l’énergie d’une telle vie incarnée dans la matière. Une tombe parmi une foule d’autres pierres, plus ou moins fameuses ?
En 1977 Michael Brenson demandait à Raymond Mason: « Ce qui vous attire dans une foule c’est son énergie formidable ? »
Et celui-ci répondit : – « Incontestablement. J’ai toujours senti que cette énergie, si je pouvais la canaliser, la faire passer dans mon travail… je sens que ça donnerait… Parce qu’après tout, qu’est-ce que l’Art ? Le désir de voler l’étincelle aux dieux, non ? » (Catalogue de la Galerie Claude Bernard autour de l’exposition - Une tragédie dans le Nord. L’hivers, la pluie, les larmes - ).
Une sculpture chef d’œuvre de Mason - Le départ des fruits et légumes du cœur de Paris, le 28 février 1969 - installée lors de la nuit de Noël 1976, dans une chapelle de l’église Saint Eustache, ne trouve-t-elle pas aussi un écho par l’affiche de l’exposition des photos de Robert Doisneau : Paris Les Halles, à l’Hôtel de Ville ?
L’art, l’aura et la distance selon Walter Benjamin, voilà des notions qui me sont fréquemment opposées ! Et si justement le transfert artistique ‘en numérique’ des données de la sensibilité humaine était l’un des enjeux majeurs de notre culture ?« Si la reproduction est une recréation, et que la technique est tout sauf mécanique, (…) la multiplication est tout sauf une dissolution passive de l’authenticité originale dans la consommation réifiée de fétiches. Au contraire, ce sont l’originalité et l’authenticité qui supposent, comme condition sine qua non, l’existence d’une reproduction technique. » Voici comment Antoine Hennion et Bruno Latour soulignaient pour le premier Cahiers de Médiologie, avec panache... (et sous-titre provocateur) : – « Benjamin, ou comment devenir célèbre en faisant tant d’erreurs à la fois… ».
La réalité de la Re-production numérique artistique (RNA) des peintures de P. Gauguin, en 2003, est l’un des éléments concrets dans cette prise de conscience contemporaine, un lien de pensée exemplaire pour une nécessaire et vivifiante remise en cause…? Un débat de fond sur Patrimoine, création et culture numérique doit donc advenir les : 21, 22, 23 juin 2012 – Archives nationales (Pierrefite) – Université Paris 8.
Quelle est alors la place d’un artiste au côté de philosophes, sociologues, universitaires… ou de ceux qui savent exercer leur pensée sur les logiques de nos destinées ?
Peut-être que, semblablement à MM Latour et Hennion qui relèvent quelques ‘petites incongruités’ au sein des fortes pensées d’un philosophe de référence, mon œil de peintre se doit aussi de bien percevoir au cœur des banalités qui ont cours : l’étonnant, le relatif, le symptomatique, voire peut-être… le périlleux ?
Or voici le témoignage symptomatique de ‘copies d’écran’, captées mécaniquement, et le visuel originel de mon site, ainsi que je l’ai mis en ligne :
A quelques nuances près, des différences en teinte/saturation et lumières sont notables. Comme si ces captures d’écran - Les seins aux fleurs rouges - P.Gauguin détail issu du portfolio "à Paul Gauguin par E.Trouvers" avaient digéré certaines propriétés picturales et chromatiques ; avaient escamoté un peu de la finesse qui dépeint les jeux subtils de l’être et du mystère féminin.
Est-ce ici, déjà : travestissement, infidélité, torsion banale des serveurs numérique ?
Que l’aspect chromatique varie d’un écran à l’autre, voilà une banalité courante, admettons. Encore que ce soit un lieu commun qui pourrait être qualitativement mieux géré, juste avec quelques petites attentions… (par les fabricants et usagers d’ordinateurs) !
C’est très aimable… On vient jusqu’au site. Et je ne vais tout de même pas me faire couler des larmes de crocodile pour inonder le charmant tapis rouge qui descend et remonte virtuellement jusqu’à mon écran… Puis, par une revendication d’un retour ‘aux meilleurs sources des P.Go’ – pour mieux communiquer sur l’aura en art ! – m’indigner en puriste… ‘mécaniquement’. Mais ceux qui savent que Gauguin est non seulement le nec plus ultra des ‘couleurs modernes’, une réputation… mais le sentiment humain de cette Couleur, ne seront pas surpris ! Hélas ?
Si, en artiste ‘créateur/reproducteur’ je suis amené à intervenir dans Patrimoine, création et culture numérique, témoignerais-je de la complexité et des doutes de ma vie ‘rêvée en couleur’ ? Communiquer ou même m’interroger sur les sources vivantes de notre patrimoine artistique – dans un souci de sensibilité humaine ? Et, certes oui… dans un contexte qui est en pleine mutation technologique !
Avec la perfection glacée de l’écran de verre, remettre sur le métier numérique mon site des origines de 2003-2004 est comme de changer d’arrière pays… Au premier plan, il nous faut à présent accepter une vitrine à revoir.
Chaque mise en ligne tendra peut-être vers l’utopique d’une ‘parfaite et puissante retenue’ ! Nous verrons bien…
A la hauteur d’élans exigeants, j’ai eu la chance de rencontrer sur ma route un excellent webmaster, Nicolas Binet. Produire à chaque intention sensible d’innovantes solutions techniques, voilà son métier ! Il écoute la demande, pense lucidement la question, résiste un brin ou ne dit mot, puis bidouille en langage informatique ; assurément sera mis en ligne une formule idéale. Nicolas Binet est un webmaster qui paraît percevoir d’instinct l’authenticité de mes attentes. Au fond, ne serait-il pas du genre à comprendre qu’un artiste se relève la nuit ; fait le mur d’un musée pour retoucher encore dans le silence une toile exposée ; Bonnard s’y fit pincer !
Pour l’instant le site se présente dans un état en cours : le catalogue propose ma suite d’orchidées Phalaénopsis. Suivront, dès la deuxième semaine de février, le catalogue des estampes et des tableaux photographiques sur Villandry ; le travail de répliques artistiques des peintures de Paul Gauguin ; un ensemble sur les « éléments de la mer » est sur le métier. Le blog comporte des billets récents ; les anciens seront à remettre en forme sans fausser la visibilité d’alors.
Dans notre époque de flux spectaculaire, ne faut-il pas beaucoup d’efforts, de nuances, de finesses, pour préserver la complexité et proposer quelque ‘ré enchantement’ du monde ?
En 2004-2005, mon site fut ouvert en flash. Fallait-il alors, à partir de données en mouvement, présenter ainsi quelques images fixes ou picturales ?
A cette époque, se diffusait le jeu fascinant du Net... et de la liberté du cliquer sur tout ce qui bouge !
Quoique peintre, il était nécessaire d’être présent sur la toile virtuelle. Partout dans le monde, à chaque nanoseconde, advenait quelque autre nouveauté, plus ou moins esthétique et commerciale, mais toujours disponible par simple cliquetis et titillement de souris informatique. Se posait alors cette question: un effet d’immédiateté pouvait-il sonder autre chose que les fantômes de notre réel ?
Or, bien avant l’effet spécial technologique, la peinture était nœud d’illusions. Mais, à mon sens, l’art illusionniste (peut-être le seul qui vaille pour assumer, par la figuration, le risque d’être relativement vivant et dans la durée), se doit de dépasser l’effet premier, l’effet spécial de la vanité humaine.
Et voilà que nous sommes à l’heure de la consommation à tout va ; voire même de l’appropriation virtuelle à distance ; un ‘univers nouveau’, presque entièrement, dans la poche et sur portable : c’est vertigineux !
Je me souviens ici de discussions avec Leonardo Cremonini sur « les instruments culturels qui déterminent le climat et le paysage… ». J’ai eu la chance de le rencontrer d’abord en plein enseignement, en 1983, à l’ENSB-A (les Beaux-Arts de Paris). Comment ne pas être fasciné par sa merveilleuse force paradoxale ? « Force et résistance ne font qu’un. Dans le présent rien ne s’oppose, tout se conjugue » disait G. Braque. Pensée qu’il pouvait incarner tour à tour dans son jeu de Coloriste ou dans les contrastes de formules philosophiques !
Je ne fus pas vraiment son élève, mais le maître me faisait parfois l’amitié de ses arguments inouïs de ‘rhéteur’. Cremonini analysait sans cesse le degré d’authenticité de ce qui existe à notre époque. Il usait alors de propos toujours d’une langue comme de fer trempé, avant de mesurer cet acier là auprès de bien plus grands esprits que moi, tel son ami le médiologue Régis Debray.
Au cœur de nos conversations téléphoniques, il ressortait que la Peinture allait devoir vivre sa plus inquiétante crise… – « Ce n’est pas tellement sur le destin de l’art que je m’inquiète, mais sur le destin du désir. – Si le Désir a un destin mortifié, seul la culture de la violence va dominer ! ». Et avec quels accents de dégoût, Cremonini soulignait « l’obscénité contemporaine en art » ! A l’époque du Minimalisme et des Installations, Leonardo Cremonini percevait bien les dangers d’haleines gavées des parfums de la communication.
Pour nous, le contre exemple absolu était Balthus, ou peut-être Matta ?
Le Comte, au visage connu du seul cercle de quelques initiés, préservait ‘notre’ domaine subtil et mystérieux de la Peinture, car rien ne s’obtient en cette matière que par « longue mortification artisanale ; lente dictée intérieure…». Seulement voilà, si Balthus lui aussi se mettait à ‘divulguer ‘, « à donner des interviews… bien façon d’aujourd’hui… en Rossinière… Quel symptôme fatal ! ». Je me souviens de Cremonini me formulant ainsi le désarroi d’amis : « Au moment même où il n’a plus ‘rien à dire’, voici Balthus qui parle ! A sa disparition, c’est sûr, ses pires ennemis et les jaloux de service pourront crier sur les toits : – Le dernier des peintres est mort ! ». (C’était en 1995, et Balthus nous a quittés en février 2001).
Etait-ce divulgation, communication, ou hommage à l’Art pictural, lorsque, en 1977, Federico Fellini témoignait « d’un dialogue actif avec l’histoire qui, pour Balthus, est celui du signe et du geste qui se meuvent et se modifient dans l’espace et dans le temps, qui deviennent raison – voire rationalité – tout en demeurant le véhicule irremplaçable d’émotions complexes et filtrées qu’aucune parole avec son ‘flot de communication’ ne saurait préciser aussi nettement. » Pour les mentalités les plus fines de cette époque, n’y avait-il pas encore quelques différences ? « Tout homme crée sans le savoir, mais seul l’Artiste se sent créer, sa peine bien aimée le fortifie » paroles de Paul Valéry écrites en lettre d’or sur le Musée des Monuments français !
Fort de notre entente cordiale sur les mystères de la création artistique, Cremonini m’avait convié à le suivre à La Sorbonne pour l’une de ces «présentations de sa passion artistique ». Et ce fut un sacré supplice révélateur !
Il faut que je vous rapporte l’anecdote : C’était lors d’un des séminaires de Françoise Cunzy qui réunissait une trentaine d’étudiants (bien représentatifs !). J’avais donc fait signe à un renfort de grande pugnacité, mais surtout à l’un des géants en son Art : Raymond Mason, Sculpteur-peintre (de la même génération que Cremonini). Assis au dernier rang de la salle en large amphithéâtre, mais au premier rang de la fascination émise par tout le vécu de Cremonini, Raymond Mason et moi suivions…
La présentation de son Œuvre par la projection de diapositives pouvait permettre une certaine ouverture esthétique, un peu comme un catalogue en ligne.
Le référencement était simple – il y avait peu d’artiste aussi reconnu, non par le Marché, mais pour l’essentiel : la perception d’un objet vécu dans la Passion plutôt que joué dans la distance. Le doute et l’aura de Cremonini avaient fasciné non seulement les meilleurs esprits vivant en Italie, tels Alberto Moravia, Umberto Eco, mais aussi nos philosophes, écrivains et universitaires. La liste de ceux qui, tels Louis Althusser, Michel Butor ou Didier Sicard, ont eu envie d’écrire sur cette vision du monde est impressionnante.
Mais en Sorbonne arrive le moment des questions. Cremonini était habituellement brillantissime. Mais ce jour là… Trop de formules toutes faites sur « la liberté de la création individuelle » pour qu’un dialogue sans provocation puisse s’établir avec les intellectuels présents. Déjà en 1996, nous étions devant un bataillon uni par une pensée formatée ‘pomme C – pomme V’ + quelques mots ajoutés à l’information pour être des Créatifs… Avatars de la « Pissotière » de Marcel Duchamp ?
C’est alors qu’un ténor se leva : « Mais vous n’y êtes pas du tout avec vos peintures qui mettent tant de temps à être réalisées ! Vos sujets sont dépassés ! Le lieu de la Création, de La Liberté des individus, c’est Internet ; voyez un peu ce qui se met en ligne sur Internet (nous sommes déjà à plus de 10 000 000 d’ordinateurs connectés)! ».
Un silence de suite de tonnerre retentit… Puis la réponse de Cremonini avec son léger accent italien et la main à l’oreille : « Internet ? Internet ? Je ne connais pas : Interné !!! »
- Pas un rire, mais un froid pesant a gelé le débat ce jour là.
Mon site voudrait ‘communiquer’, sans les vider de leurs substances mystérieuses, l’envie d’ouvrages visuels hybrides : peintures prototypes, estampes en impression numérique, dessins… qui vont « du fusain au pixel ».
Le site est refondu intégralement en suite d’images fixes. Georges Braque disait : « Ce n’est pas le but qui intéresse, ce sont les moyens pour y parvenir. »
Je voudrais que ce site permette de voir, dans mes compositions, que je tente avec passion de percevoir l’émergence de mouvements subtils clarifiés au cours de la création artistique – de rencontrer progressivement les choses et les êtres pour mieux les goûter – et ainsi, revivifier le Désir ! Enfin, espérons…